Les seuils d'effectifs au 1er janvier 2020 et la loi PACTE

Quelles sont les modifications apportées par la loi PACTE aux seuils d’effectif en droit du travail et droit de la Sécurité Sociale ?

À la question « qu'est-ce que un seuil social » il convient de rappeler que la notion de seuil d’effectif permet de fixer l’étendue des obligations des entreprises.

Les seuils (10, 11, 20, 50…) servent, notamment, à fixer leurs obligations vis à vis des organismes sociaux, comme l'Urssaf, ou celles qu’elles doivent mettre en œuvre envers leurs salariés.

L’article 11 de la loi du  22 mai 2019 (n° 2019-486) relative à la « croissance et la transformation des entreprises », régulièrement désignée sous le nom de loi PACTE, a initié une profonde réforme des questions relatives à l’appréciation et la fixation des seuils d’effectifs pour les entreprises. Elle vise également à aménager les conséquences des cas de dépassements de ces seuils.

 Pour faire simple, les apports de cette loi pour les entreprises s’articulent au travers de 3 points :

  • la réduction du nombre de seuils,

  • la rationalisation des conditions de décompte des effectifs,

  • la simplification des effets de franchissement des seuils et la mise en place d’un mécanisme de gel unique.

Applicable depuis le 1er janvier 2020, la loi PACTE a apporté de nombreuses simplifications pour les entreprises.

1. La modification et la réduction du nombre de seuils d’effectifs

Partant du constat que la réglementation française, toutes matières juridiques confondues, se réfère à plus de 200 seuils d’effectifs distincts afin d’astreindre, ou non, les entreprises à de nouvelles obligations, la loi PACTE tend tout d’abord à rationaliser le nombre de seuils.

En droit du travail et en droit de la Sécurité Sociale, on retrouve généralement les seuils de 1, 9, 10, 11, 20, 25, 50, 250 salariés.

Pour faire court, la loi PACTE réduit le nombre de seuils sur lesquels les textes peuvent s’appuyer.

En droit du travail et droit de la Sécurité Sociale, dès lors qu’une obligation est différenciée en fonction de la taille de l’entreprise, la loi PACTE tend à ce que ces textes s’articulent au travers de 3 seuils principaux :

  • 11 salariés
  • 50 salariés
  • 250 salariés

On notera la disparition du seuil de 20 salariés.

De ce fait, depuis le 1er janvier 2020, les principales obligations fixées aux entreprises ayant atteint l’effectif de 20 salariés ont disparu et ont rejoint la catégorie des obligations des entreprises de plus de 50 salariés.

A titre d’exemples, on notera :

  • le taux de la contribution Fnal (Fonds national de l’aide au logement : taux réduit de 0,10 % pour les entreprises de moins de 50 salariés depuis le 1er janvier 2020 le taux plein étant de 0,50 %),
  • la participation de l’employeur à l’effort de construction,
  • l’obligation faite aux entreprises de mettre en place un règlement intérieur,
  • on relèvera encore que la loi PACTE n’est pas allée jusqu’à supprimer le seuil de 11 salariés qui, en droit du travail, sert toujours à fixer l’obligation faite aux entreprises de mettre en place un Comité social et économique (depuis le 1er janvier 2020, il est rappelé que le CSE remplace obligatoirement l’ensemble des anciennes structures de représentation du personnel qu’étaient les Délégués du Personnel, le Comité d’Entreprise et le CHSCT).
  • en revanche, la loi PACTE n’a pu totalement supprimer le seuil de 20 salariés qui perdure, notamment :   
    • pour les questions d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés,
    • pour les modalités de calcul de la contrepartie sous forme de repos en cas de dépassement du contingent d’heures supplémentaires,
    • ou pour les conditions d’application du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires.

De même, certains seuils demeurent, comme celui fixé à 200 salariés, pour l’obligation faite à l’entreprise de mettre à disposition un local syndical.

C’est également le cas de l’effectif de 50 salariés pour l’obligation faite au chef d’entreprise de mettre à la disposition du personnel un local de restauration.

À la marge, la loi PACTE a également reprécisé différents seuils en modifiant la rédaction de différents articles du Code du travail ou du Code de la Sécurité Sociale (les principales modifications sont regroupées dans les tableaux ci-après).

 

Lire également : Les conditions de décompte des effectifs au 1er janvier 2020

2. La rationalisation des modalités de décompte des effectifs

Avant la loi PACTE, le Code du travail ainsi que le Code de la Sécurité Sociale offraient chacun des modalités de décompte des effectifs propres à l’organisation de leurs textes respectifs.

Cette situation n’étaient pas sans offrir de nombreuses difficultés méthodologiques pour les entreprises, celles-ci devant apprécier leur effectif, soit en fonction des contrats de travail en cours au 31 décembre, soit en fonction de la moyenne de salariés sur l’ensemble des mois de l’année ou sur une période plus importante…

De même, la prise en compte des salariés dans le calcul des seuils était différente selon que l’on se place en droit du travail ou en droit de la Sécurité Sociale.

Un décret est attendu sur cette question et devrait fixer des modalités de décomptes communes.

Par exemple, ce décret pourrait modifier le Code de la Sécurité Sociale afin d’exclure les mandataires sociaux, alors qu’ils sont normalement pris en compte dans l’effectif « Sécurité Sociale ». Le décret devrait également préciser les conditions de prise en compte des contrats de travail à durée déterminée, des salariés à temps partiel, des personnels intérimaire ou mis à disposition…).

Il faut retenir que la loi PACTE consacre une modalité unique de décompte des effectifs et, sauf quelques exceptions, s’oriente vers les modalités de décompte des effectifs actuellement applicable en droit de la Sécurité Sociale.

Cette méthode, dans l’attente du décret, est plus favorable pour les entreprises dans la mesure où il serait pas tenu compte des intérimaires et des personnels mis à disposition par d’autres entreprises dans le décompte des effectifs.

Cette logique s’explique, en partie, par le fait qu’il s’agit d’une modalité de décompte qui s’apprécie facilement à la seule vue des bulletins de paie produits au cours d’une période de paie.

Elle est conforme à l’esprit de la Déclaration Sociale Nominative (DSN) que les entreprises sont tenues de produire depuis 2017.

D’ailleurs, un projet vise à ce que l’effectif soit automatiquement calculé par l’administration en fonction des informations transmises chaque mois par la DSN.

Nouvel article L 130-1 du Code de la Sécurité Sociale :

Afin de satisfaire ces différents objectifs, la loi PACTE a donc introduit cet article L 130-1 du Code de la Sécurité Sociale :

Ainsi, « l'effectif salarié annuel de l'employeur, y compris lorsqu'il s'agit d'une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de  personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente ».

Il en résulte que :

  • le périmètre d’appréciation de l’effectif est l'entreprise (et non l'établissement),
  • la période de référence pour calculer l'effectif de référence afin de déterminer les obligations des entreprises au cours de l’année N est l'année civile précédente (du 1er  janvier de l’année N-1 au 31 décembre de l'année N-1),
  • l’effectif est déterminé en fonction de la moyenne de chacun des mois de cette année N -1. Par exemple, si l’effectif de janvier à juin (6 mois) est de 7 salariés et de juillet à décembre de 12 salariés, l’effectif au 31 décembre sera fixé à 9,5 salariés ((6*7)+(6*12))/12 mois.)
  • cette généralisation de la méthode connaît des limites et, notamment :
    • la tarification  AT/MP reste basée sur la dernière année connue, N-2,
    • pour les entreprises procédant à leurs premières embauches, l’effectif de l’année N est fixé en fonction de l’effectif atteint au dernier jour du mois au cours duquel a eu la première embauche,
    • pour la représentation du personnel, les règles sont inchangées et fixées par le Code du travail.

Les seuils concernés par les modalités de décompte de la loi PACTE

Le mode de décompte des effectifs du Code de Sécurité Sociale (défini au I de l'article L 130-1 du Code de Sécurité Sociale depuis le 1er janvier 2020 et au R 130-1 jusqu'à cette date) s’applique :

  • aux différents dispositifs soumis à des seuils d'effectif concernant les cotisations et contributions prévues par le Code de Sécurité Sociale (date d'exigibilité des cotisations, Fnal, forfait social, déduction sur les heures supplémentaires, ...),
  • ou par d'autres législations (exonération dans les ZRR, participation à la construction, versement transport),
  • ou à d’autres corpus de textes (droit des sociétés qui feront référence aux règles de décompte fixées par l’article L 130-1 du Code de la Sécurité Sociale).

Les nouvelles modalités de calcul de l'effectif

Les nouvelles règles sur les seuils d'effectif sont entrées en vigueur depuis le 1er janvier 2020.

Tableaux de synthèse des principaux seuils concernés par la loi PACTE

 

Seuils au
1er janvier 2020

Application
du décompte
"Sécurité Sociale"

Application
du "gel"
sur 5 ans

Contribution Fnal :
passage du taux réduit de 0,10 % au taux plein de 0,5 %

≥50 salariés
(20 avant le 1/01/2020)

oui

oui

Déduction des cotisations
patronales sur les heures supplémentaires

< 20 salariés

oui

oui

Contribution formation : montant de 0,55 %

< 11 salariés

oui

oui

Versement de transport

 ≥11 salariés

 oui

oui

Participation à l'effort de construction

≥50 salariés(20 avant le 1/01/2020)

 oui

oui

Droit à l'exonération de cotisations dans les ZRR

< 50 salariés(≤50 avant le 1/01/2020)

 oui

oui

Obligation d'établir un règlement intérieur

≥50 salariés(20 avant le 1/01/2020)

 non

 non

Heures supplémentaires hors contingent :
contrepartie obligatoire en repos  de 100 %

 >20 salariés

oui (nouveau)

oui

Obligation d'emploi de travailleurs handicapés :
assujettissement

 >20 salariés

oui (nouveau)

 

Aide à l'apprentissage

 <250 salariés

oui (nouveau)

 non

Local ou emplacement de restauration : obligation de mise à disposition aux salariés souhaitant prendre leur repas sur place

25 salariés(pourrait passer à ≥ 50 salariés)

oui (nouveau)

oui

Participation : obligation de mise en place

 ≥ 50 salariés

 oui (nouveau)

oui

En rouge les modifications apportées depuis le 1er janvier 2020. Dans la colonne « application du décompte Sécurité Sociale » le « oui (nouveau) » signale la disparition d’un mode de fixation de l’effectif antérieur, notamment en droit du travail.

3. Le dispositif d’atténuation du franchissement des seuils

La loi PACTE intervient sur la question de l’atténuation des conséquences, pour une entreprise, du franchissement d’un seuil.

La loi PACTE met ainsi en place un dispositif unique de « gel des effets de seuils » (il existe des exceptions, par exemple, celui du seuil déterminant la périodicité de paiement des cotisations Urssaf).

Avant la loi PACTE, il faut retenir que les mécanismes de gel sont pluriels et propres à chaque texte. Autant dire que les dispositifs étaient hétéroclites et plusieurs situations pouvaient se rencontrer.

On relèvera ainsi des mécanismes d’atténuation autonomes et propres à certaines cotisations et contributions comme :

  • un mécanisme de Gel sur 3 ans pour le Fnal pour les entreprises ayants atteint le seuil d’exigibilité en 2016, 2017, 2018 ;
  • un mécanisme d’assujettissement progressif pour le versement transport, avec la mise en place d’un gel intégral pendant 3 ans, puis un gel réduit à 75, 50, et 25 % pour les 4ème, 5ème et 6ème année.

 

La loi PACTE simplifie cette question.

D’une manière générale et sauf cas particuliers, le dispositif de gel exige que le dépassement d’un seuil d'effectif soit stable et soit atteint ou dépassé pendant cinq ans pour être contraignant.

On notera que le dépassement d’un seuil par une entreprise doit recevoir un caractère durable. Si l’entreprise venait à osciller autour d’un seuil, la loi PACTE exige que le dépassement soit observé pendant 5 ans.

Par exemple, imaginons qu’une entreprise dépasse le seuil 50 salariés pour l’assujettissement au Fnal de 0,5 % en 2020, elle devra maintenir ce dépassement pendant 5 ans avant d’être assujettie à cette augmentation de la cotisation. Aussi, il faut qu’elle reste au dessus de 50 salariés en 2021, 2022, 2023, 2024, et sera assujettie aux cotisations exigibles à compter du 1er janvier 2025.

Par contre, si en 2022, son effectif a été établi à 49 salariés, et est repassé à plus de 50 salariés en 2023, le décompte du « gel » repartira pour 5 années à compter de 2023.

 

Ce dispositif de gel est entré en vigueur le 1er janvier 2020, sauf :

  • pour les entreprises dont l’effectif, au 1er janvier 2020, était supérieur ou égal à un seuil et qui étaient soumises, au titre de l’année 2019, aux obligations applicables au franchissement de ce seuil,
  • pour les entreprises qui bénéficiaient, au 1er janvier 2020, d'un dispositif particulier de gel de l'effet de seuil. Ces dispositifs particuliers d'atténuation des effets de seuils ont continué à s’appliquer, après le 1er janvier 2020, aux entreprises qui en bénéficiaient au 31 décembre 2019 (versement transport, obligation d’emploi des travailleurs handicapés, financement formation professionnelle, forfait social, déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires).

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