L'employeur peut-il réembaucher sous CDI, CDD ou avoir recours à l'interim après un licenciement pour motif économique ?
Après un licenciement économique, l’employeur peut se trouver en situation de devoir réembaucher rapidement. Selon que cette ou ces embauche(s) intervienne(nt) en CDI ou en CDD, des précautions et vérifications s’imposeront.
Qu'est-ce qu'un licenciement économique ?
Ainsi, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
- à des difficultés économiques,
- à des mutations technologiques,
- à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité,
- à la cessation d’activité de l’entreprise.
Les deux dernières causes économiques ne sont pas nouvelles. Elles étaient déjà admises par la Cour de cassation depuis plusieurs années. Le législateur s’est donc simplement contenté de les transposer dans la définition du licenciement économique du code du travail (article L 1233-3).
D’ailleurs, cette liste des causes justifiant un licenciement économique n’est pas limitative et la jurisprudence pourrait encore retenir de nouvelles situations.
Qu’entend-on par difficultés économiques ?
Selon la loi, les difficultés économiques se caractérisent par « l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».
Si une application stricte de cette nouvelle définition est réalisée, l’entreprise pourrait justifier son licenciement économique par un seul de ces indicateurs, ce qui peut paraître contestable au regard des exigences de la jurisprudence actuelle. En effet, à titre d’exemple, la seule baisse du chiffre d’affaires (même sur plusieurs mois) ne suffit pas à elle seule, aujourd’hui, à justifier des réelles difficultés économiques d’une entreprise.
Il sera donc intéressant de surveiller l’interprétation et l’application qui seront faites par les juges de cette nouvelle définition.
Dans l’attente, on ne peut que conseiller aux employeurs de réunir tous les critères de nature à justifier les difficultés économiques que rencontre leur société, au besoin et, au regard de la rédaction du nouvel article L 1233-3 du code du travail, en mettant en avant d’autres éléments s’ils en disposent de plus pertinents.
Qu’entend-on par « évolution significative » ?
Le législateur a quantifié uniquement la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Les autres indicateurs sont laissés à l’appréciation du juge.
Ainsi, il y a baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires « lorsque la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés,
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés,
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 300 salariés et plus. »
La baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est donc définie par le code du travail uniquement sous un angle temporel ; le législateur n’a pas donné de pourcentage de baisse.
Faudra t-il 10 % de baisse, 20 %, 30 % ?… Là encore, on peut s’interroger sur l’application que feront les juges de cette notion d’ « évolution significative ».
En conclusion, il convient d’être prudent. En effet, l’apparente simplicité de l’appréciation des difficultés économiques ne doit pas se réduire à une application “arithmétique” des indicateurs économiques. En cas de contentieux soulevé par le salarié, le juge restera libre d’apprécier l’ensemble des éléments de nature à justifier des difficultés économiques qui seront invoqués par l’employeur.
Réembaucher en CDI
Contrairement à une idée reçue, aucun texte n’interdit de réembaucher en CDI après un licenciement pour motif économique, même si cette embauche concerne le ou les poste(s) de travail supprimé(s).
Attention cependant, car en cas de contentieux avec l’ancien salarié sur le motif économique de son licenciement, une réembauche trop rapide sur le même poste, ou sur un poste équivalent, pourra constituer un indice probant de l’absence de cause réelle et sérieuse du motif économique invoqué par l’employeur.
Par ailleurs, lorsque le licenciement est intervenu après refus d’une proposition de modification du contrat de travail pour motif économique, l’employeur réembauche légitimement sur le même poste, aux conditions qui avaient été proposées à l’ancien titulaire. Si le salarié licencié pour refus de la proposition de modification de son contrat de travail a fait valoir sa priorité de réembauchage, il faudra lui proposer le poste aux conditions initialement refusées.
Une interdiction d'un délai de 6 mois
La seule interdiction posée par le Code du travail (article L. 1242-5) vise l’embauche sous CDD de plus de 3 mois, pour accroissement temporaire d’activité, dans les 6 mois qui suivent un licenciement pour motif économique.
L’interdiction porte sur le ou les poste(s) supprimé(s). Si l’entreprise comporte plusieurs établissements, elle est limitée à l’établissement concerné par le ou les licenciement(s).
Le point de départ du délai de 6 mois pendant lequel l’interdiction s’applique est la date de notification du licenciement.
L’interdiction ne concerne que l’embauche, ou le recours à l’intérim, pour accroissement d’activité, il est donc possible d’embaucher en CDD de remplacement, de saison ou d’usage.
Seule une situation permettra d’embaucher en CDD ou de recourir à l’intérim par contrat de plus de 3 mois : la survenance d’une commande exceptionnelle à l’exportation d’une importance telle qu’elle nécessite la mise en œuvre de moyens quantitativement ou qualitativement « exorbitants » de ceux que l’entreprise utilise ordinairement. Si l’entreprise est dotée d’un Comité social et économique, elle devra informer et consulter l’institution de cette ou de ces embauches.
Le salarié qui est réembauché dans l’entreprise après la rupture de son contrat pour motif économique conclut un nouveau contrat de travail. Sur le principe, son ancienneté repart à zéro, mais il conviendra toujours de vérifier la convention collective qui peut prévoir que la durée des contrats antérieurs doit être reprise.