Avec un peu plus de 600 000 élus, il n’est pas rare qu’une entreprise soit confrontée à la difficulté de gérer la situation d’un salarié se présentant à des élections locales ou nationales. Il en est de même dans l’hypothèse où ce dernier serait élu à l’issue des opérations électorales.
Dans ce cadre, tout au long de la période de campagne ainsi qu’à l’issue des opérations de votes, des droits sont accordés aux candidats et élus ayant une activité professionnelle par ailleurs. C’est le cas des travailleurs salariés dont il est question ci-après.
Les droits reconnus au salarié « candidat »
Rappel Le statut du salarié « candidat » ou « élu » a été renforcé par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 « relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ».
Cette dernière a ainsi réaménagé les autorisations d’absence des salariés candidats et renforcé les droits des élus ayant la qualité de salarié. Ces règles sont fixées par les articles L 2123-1 à L 2123-11-1 du Code général des collectivités territoriales et L 3142-79 à L 3142-88 du Code du travail.
La loi du 27 décembre 2019 a instauré un article du Code du travail qui fixe l’ensemble des conditions d’absence des candidats à des élections de niveau national ou local. Ces autorisations d’absence ont vocation à permettre au salarié candidat de mener « campagne ».
Ainsi, l’employeur doit accorder aux candidats « le temps nécessaire pour participer à la campagne électorale ». Pour les élections à l’Assemblée nationale ou au Sénat, ce « temps nécessaire » est limité à « vingt jours ouvrables ». Pour toute candidature aux élections au Parlement européen, au conseil municipal, au conseil départemental ou au conseil régional, à l’Assemblée de Corse ou au conseil de la métropole de Lyon, les candidats se voient accorder une autorisation d’absence plafonnée à « dix jours ouvrables » (article L 3142-79 du Code du travail).
Les demandes d’autorisation d’absence sont laissées à la libre appréciation du candidat. Il est possible de demander également le fractionnement des jours d’absence autorisés à condition que chaque absence ait une durée minimale d’une demi-journée entière, ce qui conduit, par exemple, pour un candidat aux élections municipales, d’être autorisé à s’absenter, pendant la période de campagne électorale, 10 jours ouvrables ou 20 demi- journées.
Si les demandes d’autorisation d’absence sont laissées à la convenance du salarié, c’est sous réserve, pour ce dernier :
- d’en informer son employeur au moins 24 heures avant le début de chaque absence,
- que ces absences s’exercent bien au cours de la période officielle de la campagne électorale.
Concernant la fixation de la période de campagne électorale, cette dernière suit les principes suivants :
- pour le premier tour, la campagne est ouverte le deuxième lundi précédant la date du premier tour de scrutin, et s’achève la veille de ce jour à minuit,
- pour le second tour, la campagne électorale s’ouvrira le lundi précédant le jour du second tour, et prendra fin la veille du scrutin à minuit.
Les absences autorisées ne sont pas rémunérées par l’employeur. Elles conduisent donc à une retenue sur salaire correspondant à la durée de l’absence.
Toutefois, à la demande du salarié, il est possible que ces absences puissent être imputées sur son droit à congé payé annuel. Cette imputation n’est possible que dans la limite des droits à congés payés ouverts, c’est-à-dire acquis à la date du premier jour du tour de scrutin.
De même, après accord entre les parties, il est possible que ces absences puissent donner lieu à un mécanisme de récupération.
Concernant l’impact de ces absences autorisées sur les mécanismes d’acquisition des droits à congés payés et en matière d’ancienneté, elles sont assimilées à une période de travail effectif et sont donc sans incidences sur les droits du salarié candidat.
Les droits du salarié « élu »
Les principes généraux qui protègent les élus envers leur employeur
D’une manière générale, les élus sont protégés contre toute discrimination sur leur lieu de travail.
Ainsi, logiquement, ils ne peuvent pas être sanctionnés, licenciés ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, notamment, en matière de rémunération, d’augmentation de salaires, de formation, de classification professionnelle ou de promotion…Cette garantie est rappelée à l’article L 1132-1 du Code du travail qui fixe le principe général de non discrimination, quelle qu’en soit la raison (notamment du sexe du salarié, des mœurs, de l’âge, des opinions politiques…).
Sur cette question de la protection des élus contre toute discrimination, il convient de relever que la loi du 27 décembre 2019 est venue alléger les contraintes pesant sur les entreprises, notamment en matière de rupture du contrat de travail. En effet, avant cette loi, le licenciement d’un élu ne pouvait intervenir qu’après l’intervention de l’inspecteur du travail. Cette intervention préalable n’est plus nécessaire.
De même, le salarié nouvellement élu peut demander un entretien individuel spécifique avec son employeur. Cet entretien vise à organiser les modalités pratiques de l'exercice du mandat du salarié et les mesures à envisager afin de le concilier avec les obligations liées à l’exécution du contrat de travail. À ce titre, les salariés élus font partie des salariés où l’accès au télétravail doit être favorisé dès lors que la situation de télétravail est compatible avec les fonctions du salarié au sein de l’entreprise.
Enfin, les élus ont droit à un congé de formation non rémunéré d’une durée maximale de 18 jours. Ce droit s’exerce par mandat et est donc renouvelable en cas de réélection.
L’employeur n’est pas en droit de refuser cette absence formation sauf si celle-ci entraîne des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise. Le refus doit être motivé et notifié au salarié.
Les droits dont bénéficie l’élu pour l’exercice de son mandat
L’exercice d’un mandat conduit obligatoirement à la participation à des réunions, séances, groupes de travail… Du fait des responsabilités électives, l’élu doit également être en mesure de préparer ces mêmes réunions ou séances.
Dans ce cadre, l’élu se voit reconnaître :
- un droit de s’absenter,
- un crédit d’heures.
Ces droits sont fonctions des responsabilités exercées.
Dès lors que l’employeur est informé par écrit de la date et de la durée de la ou des absences envisagées, l’élu, par exemple au sein d’un conseil municipal ou d’un conseil de communauté de communes, bénéficie de droit du temps nécessaire pour se rendre et participer :
- aux séances plénières de ce conseil ;
- aux réunions des commissions dont il est membre ;
- aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où il a été désigné.
Ces absences ne sont pas rémunérées.
Le crédit d’heures accordé aux élus pour l’exercice de leur mandat
Selon le Code des collectivités territoriales (Article L 2123-2), indépendamment des autorisations d'absence dont ils bénéficient par ailleurs, les maires, adjoints et conseillers municipaux ont droit à un crédit d'heures leur permettant de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune ou de l'organisme auprès duquel ils la représentent ainsi qu’à la préparation des réunions, des instances où ils siègent.
Ce crédit d'heures est fixé par référence à la durée hebdomadaire légale du travail. Il faut noter que ce crédit d’heures est forfaitaire et s’exerce par trimestre civil. Les heures non utilisées pendant un trimestre ne sont pas reportables sur le trimestre qui suit.
Il est possible de synthétiser comme ci-dessous, les crédits d’heures qui sont accordés selon la taille de la commune ou des mandats exercés.
Crédits d'heures forfaitaire et trimestriel (en heures) | |||
Taille de la commune | Maires | Adjoints | Conseillers |
Moins de 10 000 habitants | 122,5 | 70 | 10,5 |
De 10 000 à 29 999 habitants | 140 | 122,5 | 21 |
De 30 000 à 99 999 habitants | 140 | 140 | 35 |
Au moins 100 000 habitants | 140 | 140 | 70 |
L'employeur est tenu d'accorder aux élus concernés l'autorisation d'utiliser le crédit d'heures. Les heures utilisées au titre du crédit d’heures ne donnent pas lieu à rémunération par l’employeur.
Le crédit d’heures étant déterminé en référence à la durée légale de travail de 35 heures hebdomadaires, qu’en est-il si l’élu est un salarié à temps partiel ? Dans ce cas, le crédit d'heures accordé est réduit proportionnellement à la durée contractuelle de travail de l’élu à temps partiel.
Par exemple, un salarié occupé dans l’entreprise à raison de 24 heures par semaine et élu en qualité de conseillé municipal d’une commune de moins de 10 000 habitants, ce salarié aura droit à un crédit d’heures trimestriel de 48 heures au lieu de 70 (70 heures de crédit / 35 X 24).
Il existe un principe de plafonnement des temps d’absence d’un salarié élu.
Ainsi, la durée cumulée des absences pour participer à la campagne électorale, de celles pour participer aux réunions de l’organe au sein duquel le salarié est élu et celles relatives à l’utilisation du crédit d’heures, ne peut pas dépasser la moitié de la durée légale du travail pour une année civile.
Ainsi, sachant que la durée annuelle de travail pour un salarié à temps plein est de 1 607 heures, l’élu ne peut s’absenter au cours d’une année plus de 803 heures. Ce principe est adapté et proportionnellement déterminé pour les salariés à temps partiel.
L'employeur est tenu d'accorder aux élus concernés l'autorisation d'utiliser le crédit d'heures. Les heures utilisées au titre du crédit d’heures ne donnent pas lieu à rémunération par l’employeur.
Non rémunérées, elles sont toutefois assimilées à du travail effectif pour la détermination de la durée des congés et des avantages liés à l’ancienneté.
L’employeur peut-il réaménager le contrat de travail du salarié du fait de ses obligations ?
Par application du principe de non-discrimination, l’employeur n’est pas en droit de modifier la durée du travail ou l’organisation du temps de travail du salarié. Pour autant, rien interdit aux parties au contrat de travail de tenir compte des obligations électives du salarié afin d’aménager les conditions de travail de l’élu tout au long de son mandat.
Les retenues pour les absences en lien avec l’exercice d’un mandat ne doivent pas être qualifiées sur le bulletin de paie. Pour faire simple, la retenue doit simplement indiquer qu’il s’agit d’une absence autorisée et le bulletin doit précisément indiquer le nombre d’heures retenues.
Afin d’éviter tout éventuel litige, il est conseillé, dans une annexe au bulletin de paie, d’établir un document retraçant l’ensemble des absences autorisées du salarié et ce afin de suivre le respect du crédit d’heures qui lui est attribué.
La suspension du contrat de travail à l’initiative de l’élu
Certaines fonctions électives ou l’exercice de certaines responsabilités, notamment dans les communes les plus importantes, impliquent une impossibilité, pour le salarié, de cumuler l’exercice de son mandat et les obligations issues de son contrat de travail.
Ainsi, pour les salariés membre de l’Assemblée nationale ou du Sénat, il leur est reconnu un droit à demander, jusqu’à l’expiration de leur mandat, une suspension de leur contrat de travail.
À cette fin, ils doivent justifier d’une ancienneté minimale d’une année à la date d’entrée en fonction.
Ce même droit est accordé aux salariés exerçant un mandat de maire ou d’adjoint au maire.
La suspension prend effet 15 jours après que le salarié ait notifié sa décision à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception.
Le salarié reste maintenu à l’effectif de l’entreprise et bien évidemment, le contrat étant suspendu, il ne percevra aucune rémunération pendant toute la durée du mandat.
À l'issue du mandat et dans l’hypothèse où le salarié souhaiterait rejoindre son poste de travail, celui-ci doit retrouver son précédent emploi, ou un emploi analogue assorti d'une rémunération équivalente.
Cette réintégration doit être réalisée dans les deux mois qui suivent la date à laquelle l’employeur a été informé de l’exercice de ce droit à réintégration.
À son retour dans l’entreprise, le salarié devra bénéficier de tous les avantages acquis par les autres salariés de sa catégorie durant la période correspondant à celle de l'exercice de son mandat.
Il bénéficie, en tant que besoin, d'une réadaptation professionnelle en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail.
À défaut de réintégration, l’employeur s’expose à des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et professionnel que le salarié serait en mesure d’invoquer. Étant toujours inscrit à l’effectif de l’entreprise, il n’est pas à écarter que le salarié prenne l’initiative d’une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, procédure qui peut conduire à la reconnaissance d’un licenciement aux torts exclusif du chef d’entreprise.
Non, l’exercice du droit à réintégration dépend de la durée des mandats exercés par le salarié.
On distingue deux situations :
D’une part, celle où le salarié a exercé au plus deux mandats successifs. Dans ce cas, le salarié, s’il en fait la demande, doit être réintégré dans l’entreprise à l’issue de son mandat.
D’autre part, celle où le salarié a exercé plus de deux mandats successifs. Dans ce cas, le salarié ne bénéficie pas d’un droit à réintégration mais d’une simple priorité de réembauchage. Ainsi, ce dernier bénéficiera pendant un an d’une priorité de réembauche dans les emplois disponibles auxquels il peut prétendre.
En cas de réintégration dans le délai d’un an, le salarié bénéficiera de tous les avantages qu'il avait acquis au moment de son départ.
Une situation n’est pas prévue par les textes et ne semble pas avoir eu à s’appliquer dans les faits.
Dans l’hypothèse où un salarié aurait exercé plus de deux mandats et ne bénéficierait donc pas d’un droit à réintégration mais d’une simple priorité de réembauchage pendant un an, il n’en demeure pas moins que le contrat de travail initial n’a jamais donné lieu à une rupture, ni à l’initiative de l’entreprise ni à celle du salarié.
La demande du salarié de bénéficier de la priorité de réembauchage ne constitue pas non plus un motif légitime de licenciement en l’absence de poste de reclassement.
Dans de telles conditions, l’employeur serait contraint par sécurité juridique et en l’absence de poste permettant la réintégration du salarié dans le délai d’un an, d’engager une procédure de licenciement reposant sur son impossibilité de maintenir le contrat de travail.
À défaut d’une telle initiative, le salarié pourrait engager une action afin de faire constater la rupture de la relation contractuelle aux torts de l’entreprise.