Le cumul emploi-retraite

Sommaire

La dite « réforme des retraites » portée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 2023, intervient dans un climat social agité en prévoyant notamment un report progressif de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et une augmentation de la durée d’assurance pour une retraite à taux plein.

Dans ce contexte, la loi du 14 avril 2023 ajoute des modifications au dispositif du cumul emploi-retraite, qui permet aux retraités de compléter leurs revenus par une activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non salariée.

Le cumul emploi-retraite en 2024 : comment ça marche ?

Au cours des dernières années, le taux d’activité des seniors a nettement augmenté. Parmi les personnes qui continuent à travailler, 38 % le font par nécessité tandis que 36 % le font, notamment, afin de maintenir un contact humain et une vie sociale.

Les réformes successives sur le cumul emploi-retraite ont pris soin de maintenir le dispositif qui n’avait pas connu de changements depuis la loi du 20 janvier 2014.

Nous présenterons les trois principales règles de cumul emploi-retraite régis par l’article L 161-22 et suivants du Code du Travail, à savoir le cumul emploi-retraite intégral, le cumul emploi-retraite plafonné ainsi que le cumul emploi-retraite sans condition pour les activités dérogatoires. Nous nous attacherons aux deux principaux régimes nous concernant, à savoir le régime général (salariés et assimilés) et le régime des travailleurs indépendants.

Dans tous les cas, le retraité doit obligatoirement déclarer sa reprise d’activité, par écrit et dans le mois de la reprise d’activité, à la caisse compétente.

A) Le cumul emploi-retraite intégral

Le retraité actif, qu’il soit salarié ou travailleur non salarié (TNS) peut cumuler sans restriction et intégralement sa retraite avec son revenu d’activité, à condition :

  • d’avoir atteint l’âge lui permettant d’obtenir une retraite à taux plein : âge de 67 ans pour le taux plein automatique ou âge légal avec le nombre de trimestres acquis :
Classe d’âgeAge légal de départ à la retraiteAge d’obtention automatique du taux plein et Trimestres requis 
Génération née entre 1955 et le 31/08/196162 ans67 ans et minimum 166 trimestres
Génération née entre le 01/09/1961 et le 31/12/1967Relèvement progressif : de 62 ans et 3 mois à 63 ans et 9 mois en fonction de l’année de naissance67 ans et minimum 167 trimestres
Générations nées à compter du 01/01/196864 ans67 ans et 172 trimestres

 

  • d’avoir liquidé l’ensemble de ses retraites de base et complémentaires françaises et étrangères le cas échéant (c’est-à-dire toutes les retraites personnelles dont il relève),
  • avoir formalisé par écrit auprès de sa ou ses caisse(s) de retraite, sa volonté de liquider ses droits à la retraite à compter de la date de sa cessation d’activité.

Sous réserve de remplir strictement ces conditions, les bénéficiaires du cumul emploi-retraite intégral ont la possibilité de reprendre une activité salariée, y compris chez le dernier employeur sous réserve dans ce dernier cas, que soit appliqué un délai de carence de 6 mois (entre la liquidation de la première pension de retraite et la reprise d’activité).

Cette reprise d’activité est sans limite aussi bien en termes de durée de travail que de rémunération. Il peut s’agir d’une activité salariée ou indépendante.

Rappelons le principe selon lequel le service d’une pension de vieillesse est subordonné pour les assurés exerçant une activité salariée à la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur.

La loi du 14 avril 2023 a abrogé la condition de cessation d’activité pour les travailleurs non-salariés en cumul emploi-retraite

Si le travailleur indépendant remplit les conditions du cumul emploi-retraite intégral, il n’a pas à fournir de justificatif de cessation de son activité de travailleur indépendant. Il est autorisé à maintenir et poursuivre son activité.

Que se passe-t-il en cas de non-respect du délai de carence  ?

En cas de non-respect du délai de carence de 6 mois, le retraité actif s’expose à la suspension du paiement de sa pension de retraite jusqu’à la fin du délai de carence.

Une nouveauté de la loi de 2023 consiste, pour les retraités qui reprenaient une activité professionnelle, en l’acquisition de nouveaux droits à la retraite au titre des activités reprises après la liquidation. Ainsi, les retraités dont la retraite a été liquidée à compter du 01 septembre 2023, peuvent désormais, sous conditions, acquérir de nouveaux droits à la retraite.

En effet, s’il remplit les conditions du cumul emploi-retraite intégral, le retraité actif peut acquérir de nouveaux droits à la retraite (article L 161-22-1-1 du Code du Travail).

Le montant de la nouvelle pension de retraite est plafonné et ne peut dépasser un plafond annuel de 5 % du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale, soit 2 318,40 euros par an en 2024. Aussi, les activités concernées sont celles exercées dans le cadre du cumul emploi-retraite intégral depuis le 01 janvier 2023.

Ces nouveaux droits sont sans incidence sur le montant de la pension résultant de la première liquidation.

Il est nécessaire de préciser qu’après liquidation de la seconde pension, il ne sera pas possible d’acquérir de nouveaux droits à la retraite.

B) Le cumul emploi-retraite « plafonné »

Si le bénéficiaire ne remplit pas les conditions du cumul intégral, le cumul emploi-retraite est dit  « plafonné ».

Il s’agit, ici, du cas où le retraité :

  • reprends une activité salariée, après liquidation de sa pension de retraite, alors qu’il ne justifie pas des conditions d’âge et/ou de durée requises pour le cumul intégral ,
  • n’a pas fait liquider toutes ses retraites obligatoires de base et complémentaires.

Dans ces situations en cas de reprise d’une activité salariée, le retraité relevant du régime général peut bénéficier d’un cumul des revenus de l’activité reprise et des retraites de base et complémentaires. Toutefois, ces revenus seront « plafonnés ».

Ainsi,

  • la somme des revenus bruts de l’activité reprise et de la, ou les pension(s) de retraite doit être inférieure à 160 % du Smic (2 827,07 euros en 2024) ou inférieure au dernier salaire d’activité précédant la liquidation des pensions (moyenne des salaires perçus au cours des 3 derniers mois d’activité).
  • dans le cas, où il reprendrait une activité chez son dernier employeur, un délai de carence de 6 mois doit être respecté.

La Loi du 14 avril 2023 fixe une exception au délai de carence de 6 mois et au plafond de revenus « lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitent, en urgence, la poursuite ou la reprise d’activités par les assurés susceptibles de les exercer ». La suspension doit être actée par décret et est temporaire. Ainsi, elle ne pourra pas excéder 1 an et pourra être renouvelée pour 6 mois maximum.

Pour les travailleurs non salariés, il convient de préciser que le plafond de revenu diffère du plafond de revenu prévu par le régime général.

Ainsi :

  • Le retraité relevant de la SSI (Sécurité Sociale des Indépendants) peut bénéficier du cumul emploi-retraite plafonné à condition que le nouveau revenu d’activité cumulé à la, ou les pensions(s) de retraite ne dépasse pas 50 % du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (soit un montant maximum de 23 184 euros par an en 2024).
  • Le retraité en profession libérale (qui ne relève pas de la SSI) peut bénéficier du cumul emploi-retraite plafonné à condition que le nouveau revenu d’activité cumulé à la, ou les pension(s) de retraite, soit inférieur au Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (soit un revenu annuel inférieur à 46 368 euros en 2024).
RÉGIME GÉNÉRALRÉGIME DE LA SÉCURITÉ SOCIALE DES INDÉPENDANTSPROFESSION LIBÉRALE  RÉGLEMENTÉE
Les revenus de l’activité professionnelle cumulés avec leur(s) pension(s) de retraite, ne doivent pas dépasser :
- 60 % du Smic (2 827,07 euros en 2024) 
- ou la moyenne mensuelle des salaires des 3 derniers mois d’activité salariée
Le revenu d’activité cumulé à leur(s) pension(s) de retraite ne doit pas dépasser 50 % du PASS, soit 23 184 euros en 2024.Le revenu d’activité cumulé à leur(s) pension(s) de retraite ne doit pas dépasser 46 368 euros pour l’année 2024 (1 PASS).

 

La loi du 14 avril 2023 a abrogé la condition de cessation d’activité pour les travailleurs non-salariés

Dans le cadre d’un cumul emploi-retraite plafonné, le travailleur indépendant peut faire liquider et percevoir sa pension de retraite sans justifier de la cessation de son activité indépendante à condition qu’elle soit « réduite , c’est-à-dire inférieure aux plafonds prévus.

Que se passe-t-il en cas de dépassement du plafond de revenus ?

Dans cette hypothèse, la pension de retraite de base est réduite du montant du dépassement sur la base du nombre de mois durant lesquels le dépassement est constaté.

Dans le cas où le montant de la réduction est supérieur au montant de la pension de retraite, celle-ci ne sera plus versée. Dans le cas où plusieurs pensions seraient versées, le montant de la réduction de chacune des pensions est égal au montant du dépassement.

En outre, la réduction cesse d’être appliquée à partir du mois au cours duquel la somme du revenu d’activité et des pensions de retraite redevient inférieure au plafond autorisé.

Que se passe-t-il en cas de non-respect du délai de carence  ?

En cas de non-respect du délai de carence de 6 mois, le retraité actif s’expose à la suspension du paiement de sa pension de retraite jusqu’à la fin du délai de carence.

Le cumul emploi-retraite plafonné n’ouvre aucun nouveau droit à la retraite, contrairement au dispositif dit « intégral ».

C) Le cumul emploi-retraite sans condition pour les activités « dérogatoires »

En principe, le dispositif de cumul emploi-retraite est subordonné à la cessation de toute activité professionnelle salariée et non salariée. Toutefois, certaines activités font exception à la cessation d’activité. Il s’agit des activités énoncées par l’article L 161-22 du Code du Travail, notamment :

  • des activités artistiques (artistes-auteurs du Régime Général, artistes du spectacle et artistes interprètes, en profession libérale, affiliés à la Caisse de Retraite de l’enseignement et des Arts appliqués) ;
  • des activités accessoires à caractère artistique, littéraire ou scientifiques (conférences, articles de presse, publication de livres, recherches scientifiques) ;
  • de la participation à des activités juridictionnelles, à des jurys ou certaines instances (la participation doit être occasionnelle) ;
  • des activités de parrainage (en Guadeloupe, en Martinique, à Mayotte et à la Réunion) ;
  • du mandat local (la liquidation de la pension de retraite ne fait pas obstacle à la perception des indemnités de fonction des titulaires d’un mandat local) ;
  • des consultations occasionnelles (consultations données de manière discontinue et ne pas avoir dépassé une durée de 15h sur la période de référence) ;
  • des activités à faible importance (revenu annuel inférieur à 4 fois le SMIC) ;
  • des salariés intervenants auprès de personnes (nourrices, assistantes maternelles, gardiennes d’enfants…).

À noter :

Les caisses de retraite compétentes sont différentes en fonction de l’activité professionnelle exercée.

Pour les salariés du régime généralPour les travailleurs indépendants (TNS)

La CNAV (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse) : concerne les salariés du secteur privé et les dirigeants « assimilés salariés » : les dirigeants des sociétés anonymes (SA), les dirigeants rémunérés des sociétés par actions simplifiées (SAS et SASU) et les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL. 


La MSA (Mutualité Sociale Agricole) : concerne les salariés et non salariés agricoles

La SSI (Sécurité Sociale des Indépendants) : concerne les artisans, les commerçants, les industriels, les gérants et associés de SNC et EURL, les gérants majoritaires de SARL, les micro-entrepreneurs, les entrepreneurs individuels ainsi que les professionnels libéraux classiques


La CIPAV (Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et Assurance Vieillesse) : concerne les professions libérales réglementées (architecte, ostéopathe, psychologue, expert en automobile..)


La CBNF (Caisse Nationale des Barreaux Français) : concerne les avocats 


La CNAVPL (Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Professions Libérales) : concerne les autres professions libérales réparties par sections professionnelles (selon le type de métier)