Selon les informations du ministère du Travail, les conditions de détachements de salariés étrangers en France a donné lieu, sur les années 2019 et 2020, à un peu moins de 37 000 contrôles de la réglementation du travail. À l’occasion de ces opérations, 1 200 sanctions administratives ont été prononcées (soit un peu plus de 3 % des entreprises contrôlées).
Instruction relative au détachement international de salariés en France
Selon les informations du ministère du Travail, les conditions de détachements de salariés étrangers en France a donné lieu, sur les années 2019 et 2020, à un peu moins de 37 000 contrôles de la réglementation du travail. À l’occasion de ces opérations, 1 200 sanctions administratives ont été prononcées (soit un peu plus de 3 % des entreprises contrôlées).
Afin de faciliter ces contrôles et rendre plus accessible la réglementation applicable au détachement de salariés, une nouvelle instruction de près de 74 pages vient d’être publiée.
L’objet de cette instruction, son préambule l’indique clairement, est « d’assurer un respect effectif de la réglementation ». À cette fin d’ailleurs, le site du ministère du Travail a été enrichi de rubriques en 8 langues afin d’informer les travailleurs étrangers de leurs droits.
Il faut retenir de cette circulaire différents points d’éclaircissements.
Après avoir rappelé la définition du détachement, les employeurs et salariés concernés, les obligations de l’employeur et les différentes formes de détachement, l’instruction liste les dispositions applicables aux salariés détachés, insiste sur les conditions de leur rémunération et rappelle les obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre en énumérant les sanctions auxquelles ils peuvent s’exposer.
Rappel des règles applicables aux salariés détachés
Contrairement à une idée reçue, les salariés détachés en France bénéficient d’un socle de droits. Ce socle est d’ailleurs fixé à l’article L 1262-4 du Code du travail auquel l’instruction renvoi.
A) Le « noyau dur »
En effet, cet article rappelle que l’employeur « détachant temporairement un salarié sur le territoire national lui garantit l'égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies sur le territoire national… ».
À ce titre, ce même article fixe 11 domaines pour lesquels l’employeur est tenu au principe d’égalité. Il s’agit ici du socle de droits minimal français, aussi appelé « noyau dur ».
Ainsi, les employeurs détachant temporairement un salarié sur le territoire français doivent assurer le respect du principe d’égalité en différents domaines.
Parmi les plus significatifs, notons :
• les libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
• l’exercice du droit de grève ;
• la durée du travail, les repos compensateurs, les jours fériés, les congés annuels payés…
• la rémunération, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;
• les règles relatives à la santé et sécurité au travail…
Sur ce socle fixé par le Code du travail, l’instruction détaille les implications de ce texte et apporte certaines précisions (1).
Ce socle s’applique à l’ensemble des salariés détachés quelle que soit la durée du détachement.
B) Le cas des détachements supérieurs à 12 mois
Des droits complémentaires, comme le détaille l’instruction également, sont accordés aux seuls salariés détachés dont la durée de détachement est supérieure à 12 mois. Il existe des possibilités de dérogation à ces droits supplémentaires, mais elles sont limitées.
En effet, ces derniers bénéficient, sous certaines conditions explicitées par l’instruction :
- du droit à la participation aux élections professionnelles (électeurs),
- aux congés d’adoption, congés d’éducation des enfants…,
- aux congés sabbatiques, de création d’entreprise…
De même, si l’employeur est considéré comme établi en France parce qu’il possède un centre d’opération présentant un caractère de permanence doté d’une certaine autonomie, ces salariés bénéficient des droits attachés à la formation professionnelle et l’employeur sera tenu aux versements des contributions afférentes à cet emploi auprès de l’OPCO (Opérateur de compétences) dont il relève du fait de son activité principale.
Notons également que les salariés détachés de plus de 12 mois sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise d’accueil pour le calcul du seuil de 11 salariés (obligations relatives à la représentation du personnel : CSE).
C) Les employeurs relevant du bâtiment
Pour finir sur les droits des salariés détachés, il convient de noter le cas spécifique des salariés détachés dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
En effet, les employeurs exerçant des activités entrant dans le champ d'application des conventions collectives nationales étendues du bâtiment et des travaux publics, sont tenus de s’affilier à des caisses de congés payés, chargées d’assurer le service des congés des salariés de l’entreprise.
L’employeur doit:
- déclarer ses salariés à la caisse de congés payés, en précisant le montant de leur rémunération,
- payer une cotisation à cette caisse qui, en contrepartie, est chargée du service des indemnités de congés payés aux salariés.
Sous certaines conditions, cette obligation d’adhésion vaut également au régime du chômage intempéries.
L’annexe 6 de l’instruction est spécifiquement dédiée à ces questions et on notera plus particulièrement les cas de dispenses d’affiliation (2).
Ainsi, les entreprises dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans l'un des autres États partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peuvent s'exonérer des obligations relatives aux caisses de congés payés si elles justifient que leurs salariés bénéficient de leurs droits à congés payés pour la période de détachement dans des conditions au moins équivalentes à celles prévues par la législation française.
À défaut de dispositif équivalent dans le pays d’établissement de l’employeur, l’affiliation en France reste obligatoire.
(1) Ainsi, parmi les plus importantes, l’instruction signale que les travailleurs détachés, bien que bénéficiaires des règles en matière d'égalité femmes-hommes, ne sont pas pris en compte dans le calcul de l'index égalité professionnelle auxquels sont astreints les entreprises. De même, concernant le droit à congés, l’instruction rappelle à juste titre que ce droit doit être apprécié en fonction de la durée du séjour en France des travailleurs détachés. Elle précise également dans quelles conditions ces derniers peuvent bénéficier du paiement des jours fériés chômés dans l'entreprise.
(2) L’annexe 6 vise également la question de la caisse des congés spectacle.
La rémunération du salarié détaché
L’instruction intervient longuement sur la question de la rémunération du salarié détaché et met en évidence une méthode permettant de réaliser une comparaison.
Cette instruction rappelle que doit être le principe « à travail égal, salaire égal » aux travailleurs détachés.
Afin de garantir ce principe, l’instruction met en œuvre une méthode de comparaison.
Tout d’abord, pendant le détachement, la rémunération du salarié détaché doit être au moins égale au montant total résultant de l’addition des éléments suivants :
Selon l’instruction, une comparaison doit être opérée entre la rémunération versée au salarié détaché au titre de la législation applicable au contrat de travail et la rémunération due au titre de son détachement en France. L’idée est à la fois de contrôler si le principe d’égalité des rémunérations est respecté et, le cas échéant, de déterminer le montant de l'allocation de détachement à verser en complément du salaire pour la période de travail effectuée en France par le salarié détaché.
La circulaire propose ainsi d'établir un tableau comparatif entre la rémunération due au titre de la législation du pays d’origine et celle qu’un salarié employé par une entreprise établie en France recevrait dans la même situation.
Elle fournit un exemple présenté en annexe 2 de l’instruction.
L’exemple en question est le suivant :
- le salarié détaché se voit appliquer la convention collective de branche étendue XX,il travaille sur une base horaire de 35 heures,
- il est un ouvrier de niveau X position X dans la grille de classification professionnelle,
- il a effectué 10 heures supplémentaires au cours de la période de détachement,
- il exerce son activité dans la région XX,
- il est détaché en France pour une durée d’1 mois et a travaillé effectivement 22 jours,
- il est amené à effectuer des petits déplacements dans le cadre de sa mission en France.
Sur la base de ces éléments, l’instruction présente le tableau reproduit ci-dessous qui permet de déterminer dans quelles conditions l’employeur respectera bien le principe de « travail légal, salaire égal » :
Les obligations du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre
Les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre, privés et publics, recourant aux services d’entreprises établies hors de France et détachant des salariés en France, sont tenus à certaines obligations et responsabilités, notamment un devoir de vigilance dans plusieurs domaines.
Les donneurs d’ordre doivent ainsi veiller au respect par les entreprises prestataires des interdictions relatives au travail dissimulé, à l’emploi de travailleurs étrangers sans titre de travail et aux règles sur le détachement de travailleurs.
Ainsi, ils doivent vérifier, notamment et avant le début du détachement, que la déclaration de détachement a été accomplie.
Pour cela, le donneur d’ordre doit demander à son cocontractant l’accusé de réception de la déclaration préalable de détachement qu’ils sont tenus d’effectuer. Il peut effectuer cette demande au prestataire via le télé-service SIPSI.
De même, dès la signature du contrat d’entreprise ou du contrat commercial supérieur ou égal au montant fixé à l’article R 8222-1 du Code du travail (5 000 € HT), puis tous les 6 mois, le donneur d’ordre est tenu de demander et de se faire remettre par son cocontractant établi à l’étranger une liste de documents, traduits en français, prévue par le code du travail au titre de la vérification du non recours au travail dissimulé.
Au-delà des sanctions auxquelles s’expose un employeur ne respectant pas les règles du détachement, ou les droits des salariés détachés, qui sont largement commentées par l’instruction, il convient de noter les sanctions spécifiques auxquelles s’exposent les donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage.
En effet, en application de l’article L 1264-2 du Code du travail, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre est passible d'une amende administrative en cas de méconnaissance de ses obligations en matière de :
- vérification des formalités à accomplir par son prestataire (déclaration préalable et désignation d’un représentant),
- déclaration à l’inspection du travail d’un accident du travail,
- d’affichage, sur les chantiers de bâtiment, des informations relatives à la réglementation applicable aux salariés détachés,
- vigilance à l’égard des sous-traitants de ses cocontractants.
Les obligations des donneurs d’ordre (DO) et maîtres d’ouvrage (MO) sont synthétisées en annexe 5 de l’instruction.
Parmi les principales obligations pendant le détachement et les conséquences du non-respect de cette obligation on notera l’exemple de la rémunération ou du « noyau dur » des droits reconnus à tout salarié détaché.
Toujours au titre des sanctions encourues, nous pouvons également rappeler l’obligation qui pèse sur ces derniers en matière d’accident du travail ou d’affichage sur les lieux de chantier.