En tant qu’entrepreneurs, dirigeants ou professionnels libéraux, vous connaissez tous la loi Madelin qui a fêté son vingtième anniversaire l’an dernier. Il s’agit d’un dispositif incontournable pour améliorer votre protection sociale et préparer votre retraite. Au-delà du cadre fiscal, il est nécessaire aussi d’avoir une vue complète des différents outils qui vous permettront de financer au mieux vos vieux jours.
S’il est vrai que ces contrats sont aujourd’hui très utilisés, nous avons demandé à Éric Antoni, conseiller à la petite entreprise et à l’artisanat de revenir sur les vingt ans de ce dispositif, d’en dresser les points forts et de nous alerter au besoin sur ses limites
Vingt ans après, pourquoi la « loi Madelin » est-elle toujours d’actualité ?
Éric Antoni. Parce que cette loi permet aux fameux « non-non », autrement dit les travailleurs non salariés non agricoles, de déduire de leur bénéfice imposable les cotisations qu’ils paient pour bénéficier de plus grandes garanties en matière de protection sociale. Ils peuvent ainsi se constituer une retraite complémentaire qui leur est restituée, en plus des pensions qu’ils touchent de leurs régimes obligatoires. Eu égard au nombre de souscripteurs, nul doute que les contrats « Madelin » ont su séduire la cible qu’ils visaient. Sont-ils pour autant exempts d’inconvénients et de reproches ? D’abord, si l’effort d’épargne qu’ils consentent est financé, en partie, par une économie d’impôt, celle-ci n’est pas la même pour tous : elle est en effet d’autant plus sensible que le taux d'imposition est important. Ensuite, si les contrats Madelin constituent une solution pour préparer sa retraite, ce n’est pas la seule.
Que voulez-vous dire ?
ÉA. Tout simplement qu’avec le temps, ces dispositifs se sont en quelque sorte banalisés. Quel conseiller ne propose pas à ses clients des contrats de ce type ? Il faut pourtant s’interroger sur leur nature et choisir une formule de qualité pour en profiter au mieux, car le montant de la rente viagère dépendra en grande partie des modalités de son calcul ainsi que des gains financiers engrangés. Autres points à observer : le contrat choisi correspond-il aux objectifs et aux besoins du souscripteur ? ses performances lui permettent-elles de faire face au financement de sa retraite ? Est-ce que d’autres dispositifs n’auraient pas été plus pertinents ? Mais les vraies questions sont ailleurs et le conseil le plus important à donner à un exploitant indépendant est le suivant : une fois détectés ses besoins -je veux parler des besoins de financement de sa retraite- il faut planifier la réalisation de ses projets. Et pour cela se prendre en main, se projeter dans le futur… en un mot ne compter que sur soi. Si les transferts publics constituent une part encore importante dans les revenus des plus de soixante-cinq ans, gageons que cette situation ne durera pas et que les gains capitalisés devront vite prendre le relais des retraites obligatoires et complémentaires, comme c’est déjà le cas dans beaucoup d’autres pays.
Mais comment planifier la concrétisation de son avenir ?
ÉA. De la façon la plus simple et la plus efficace : en la budgétant. Autrement dit en considérant son effort « retraite » comme une ligne de dépenses intangible, incompressible, intouchable et paradoxalement aussi ordinaire que le prêt pour sa maison, l’alimentation ou l’éducation des enfants. Une ligne par ailleurs de préférence affectée à un compte dédié et répartie entre plusieurs dispositifs (contrats Madelin, plan d’épargne retraite, assurance-vie, placements bancaires et boursiers, immobilier…). Rappelons que les contrats Madelin ne sont qu’un cadre fiscal, non un produit en soi.
À ce propos, pouvez-vous nous rappeler les contours de ce cadre fiscal ?
ÉA. Si les cotisations d’un contrat de retraite « Madelin » sont déductibles, elles le sont dans une certaine limite, laquelle est déterminée à l’aune de deux paramètres : le plafond annuel de la sécurité sociale et le revenu professionnel du titulaire. Qu’importe s’il s’agit d’un bénéfice commercial, d’un revenu non commercial ou bien de la rémunération d’un dirigeant de société. Concrètement, ce plafond de déduction « retraite » est égal, au choix, à un forfait de 10 % du PASS, soit 3 804 € pour 2015, pour un revenu inférieur au plafond ou bien à 10 % du revenu professionnel limité à huit fois le plafond de la sécurité sociale augmenté de 15 % du revenu compris entre un et huit PASS.
Et pour les autres garanties ?
ÉA. Si les contrats Madelin complètent les prestations retraite des régimes obligatoires, leurs garanties peuvent aller bien au-delà, en s’élargissant par exemple aux risques liés à la maladie, à l’incapacité de travail, à l’invalidité et au décès. Le contrat peut même couvrir les ayants droit : conjoint, concubin, partenaire lié par un Pacs, enfants. Mais la loi Madelin va encore plus loin : alors qu’il n’existe pas d’assurance chômage obligatoire pour les indépendants, elle a en effet rendu possible la couverture du risque de perte d’emploi. Pour ces garanties, il existe (comme pour la garantie vieillesse) une limite spécifique à la déduction fiscale des cotisations, toujours déterminée en fonction du plafond de la sécurité sociale et du revenu, mais avec des taux et des modalités différents.
N’existe-t-il pas, pour ces cotisations, d’autres conditions de déductibilité ?
ÉA. En effet. Si les cotisations versées pour toutes ces garanties sont en partie déductibles fiscalement, elles ne le sont pas socialement. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’elles sont à réintégrer dans le revenu pour déterminer l’assiette des charges sociales obligatoires. Par ailleurs, les cotisations Madelin doivent présenter un caractère régulier dans leur montant et dans leur périodicité. Et pour qu’elles soient déductibles, je veux dire fiscalement, encore faut-il que l’exploitant indépendant justifie qu’il est à jour de ses cotisations obligatoires d’assurance maladie et vieillesse.
Qu’en est-il des prestations ?
ÉA. Pour l’heure et depuis l’origine, il n’est prévu pour les contrats Madelin qu’une sortie en revenu ou en rente, tant pour la garantie retraite que pour la prévoyance. Imposables à l’impôt sur le revenu selon des modalités spécifiques à leur nature, ces rentes sont imposables ; elles subissent aussi les prélèvements obligatoires (CSG et CRDS).