Travaux, bail commercial et préjudice : comment obtenir une indemnisation ?

En tant que dirigeant d’une TPE, créateur d’entreprise ou professionnel libéral, vous êtes bien placé pour le savoir : travaux et bail commercial ne font pas toujours bon ménage. En effet, des travaux d’aménagement et de modernisation du territoire peuvent provoquer certaines nuisances impactant votre activité. En tant que commerçant, vous êtes alors en droit de demander une indemnisation, à certaines conditions… On vous explique tout !

Travaux et bail commercial : le risque des nuisances

L’activité de votre entreprise dépend en partie de la situation de vos locaux, donc de votre bail commercial. Vous devez pouvoir bénéficier de la fluidité de la circulation, de places de stationnement ou encore de visibilité pour votre enseigne. Seulement, différents travaux sur la voie publique peuvent survenir, produire certaines nuisances et constituer une véritable menace pour la pérennité de votre entreprise.

Ces travaux peuvent prendre diverses formes : simple réfection de route bloquant la circulation pendant plusieurs semaines, travaux d’embellissement ou travaux d’entretien et de réparation, mise au normes, détournement d’un trajet de bus, changement de canalisations souterraines, construction d’un immeuble ou réquisition d’un parking à proximité d’un commerce...

Dans une telle situation, vous pouvez demander à être indemnisé pour obtenir la réparation du préjudice commercial. Et ce, qu’il s’agisse d’une baisse sensible du chiffre d’affaires ou d’une diminution significative d’activité. Différentes solutions s’offrent alors à vous, mais attention : l’indemnisation n’est pas automatique et dépend de certaines conditions. Votre dossier doit être soigneusement constitué !

À lire : L’impact de la loi Pinel sur vos baux commerciaux

Obtenir réparation du préjudice commercial : ce qu’il faut savoir

Les conditions de responsabilité de la collectivité

Consciente des dommages qui peuvent être subis par l’exécution de travaux publics, la juridiction administrative a posé les conditions d’un régime de responsabilité sans faute, mettant en avant la rupture d’égalité des administrés devant les charges publiques. Ainsi, la collectivité ne peut invoquer une quelconque cause exonératoire de responsabilité, telle que la faute du commerçant ou la force majeure.

Autrement dit, en tant que victime de tels travaux, vous n’avez donc pas à prouver une faute de la part de la collectivité : le dommage subi suffit. 

Il est tout de même possible d’engager la responsabilité : 

  • de la collectivité à l’initiative des travaux sur la voie publique ;
  • du maître d’ouvrage ;
  • ou celle de l’un et de l’autre pris solidairement.

Cependant, le préjudice supporté à la suite de travaux nécessaires d’aménagement ou d’entretien ouvre droit à indemnisation uniquement sous deux conditions. Premièrement, qu’il présente un caractère anormal et spécial, et deuxièmement, qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre le préjudice et les travaux. Un lien qui peut se caractériser par l’organisation des travaux, leur durée, les difficultés d’accès, des problèmes de visibilité...

À noter :

  • Dommage spécial : Le dommage sera qualifié de « spécial » dès lors qu’il concernera une personne ou une catégorie d’individus bien identifiés. Le juge examinera chaque cas particulier et ne statuera pas collectivement.
  • Dommage anormal : le dommage sera considéré comme « anormal » s’il atteint un certain degré d’importance et de gravité. Il se matérialisera notamment par une baisse significative du chiffre d’affaires.

Sans caractère anormal ou spécial et sans cause certaine, vous devez supporter les inconvénients d’opérations effectuées dans l’intérêt général – dont vous êtes censés profiter ultérieurement…

Les éléments pris en compte pour le droit à la réparation

Pour espérer obtenir une indemnisation, vous devez donc pouvoir justifier et prouver que les dommages ont entraîné un préjudice commercial, donc une baisse sensible de l’activité. 

Tout au long du chantier, relevez pour cela les événements susceptibles d’occasionner une perte effective de chiffre d’affaires, ainsi que leur durée :

  • constats d’huissiers ;
  • photographies datées ;
  • relevés de changement de sens de la circulation ;
  • conditions de stationnement ;
  • témoignages de riverains, de clients ;
  • etc.

À noter :

Le droit à la réparation est acquis à la date où le dommage a pris fin, quand son étendue sera déterminée. Il faudra donc attendre l’achèvement des travaux pour entamer l’action ! Si le fait dommageable aura finalement été une source de plus value pour les biens, le montant des dommages-intérêts pourra être minoré par le juge.

Les procédures d’urgence et amiable

La procédure d’urgence

Vous souhaitez obtenir une avance sur l’indemnisation accordée ? Il est possible de mettre en œuvre la procédure de référé provision, une procédure accélérée adressée au président du tribunal administratif.

Il vous faudra alors formuler une requête écrite précisant :

  • le fondement juridique de la demande ;
  • la nature de la créance ;
  • son montant, appuyé sur une évaluation précise du dommage avec une demande expresse d’allocation chiffrée.

Cette procédure exige l’assistance d’un avocat, dans la mesure où la demande vise à obtenir le versement d’une somme d’argent.

La procédure amiable

À l’occasion de travaux d’aménagement, certaines collectivités locales mettent en place des Commissions de Règlement Amiables (CRA). Ces dispositifs vous évitent d’attendre la fin des travaux pour bénéficier d’une compensation financière et de devoir introduire une action en justice.

En cas de demande d’indemnisation auprès des CRA, il vous faudra fournir les bilans des deux derniers exercices ainsi que celui du prochain. Les experts-comptables ou les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) pourront vous aider à monter un dossier ! Et si votre requête est retoquée par la commission, vous pourrez en déposer une nouvelle l’année suivante. Enfin, dans le cas où la décision ne vous satisfait pas, vous pouvez déposer un recours auprès du tribunal administratif.

Les solutions alternatives

Pour soutenir l’activité durant ces périodes de travaux, d’autres solutions peuvent être envisagées.

Le Fonds d’Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce (FISAC) permet de financer des opérations d’accompagnement et de soutien aux entreprises touchées par des travaux publics. Cela passe par des animations commerciales ou des labels de qualité, par exemple, permettant la création d’une stratégie de promotion et de développement de ces commerces.

Les CCI, les chambres des métiers et certaines banques proposent des dispositifs de prêts bonifiés pour les commerçants directement impactés, mais aussi pour ceux situés dans un périmètre plus large. En effet, ces derniers peuvent également subir des modifications de circulation ou une désaffection de la clientèle. Vous pouvez donc également solliciter un prêt pour renforcer temporairement la trésorerie et éviter la chute du chiffre d’affaires.

À retenir :

  • Les demandes doivent impérativement être déposées avant le commencement des travaux.
  • Le rôle de l’expert-comptable, interne ou externe, est déterminant. Il pourra vous aider pour :
    • L’évaluation et le calcul de la perte d'exploitation. Ce montant sera déterminé à partir des résultats de l'entreprise en comparant les résultats des dernières périodes au résultat de la période de réduction.
    • Anticiper et gérer au mieux cette phase de turbulence en se rapprochant des services des impôts, de la Sécurité sociale des indépendants ou encore de l’URSSAF pour ajuster les paiements.
    • Affiner votre gestion des stocks et gérer la prise des congés du personnel. Par exemple, en fonction des dates du chantier ou de l’intensité des travaux, avec en dernier ressort la mise en place d’un chômage partiel pour vos salariés.
  • Pour donner plus de portée à une action, il est aussi possible de se regrouper en association, ce qui facilitera l’instauration d’un dialogue constructif avec les collectivités.

Si des travaux publics surviennent et vous incitent à remettre en question votre bail commercial, pas de panique : des solutions existent pour y remédier et préserver le maintien de votre activité. L’essentiel pour réussir à passer cette étape délicate ? Avoir un dossier solide… et surtout, être bien accompagné !

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