Des pratiques coutumières à la méthode d'évaluation par la rentabilité, cet article retrace les bonnes pratiques et les points essentiels à retenir.
Vous êtes vendeur de votre fonds ? Un acheteur s'est présenté et en a offert 50% du chiffre d'affaires ? Est-ce un bon prix ? S’agit-il de la bonne méthode d’évaluation ? Si la valeur du fonds est encore très souvent déterminée en fonction d'un "barème" faisant référence au chiffre d'affaires, s'agit-il pour autant de la bonne méthode ?
Evaluation du fonds de commerce : l'approche par la rentabilité, vue par FIDUCIAL
Pourquoi l’application d'un barème n'est elle pas LA solution à l'évaluation du fonds de commerce
L'estimation du fonds de commerce d'un tabac-presse peut, selon les barèmes utilisés, varier de 40 % à 120 % du CAHT, et ce en fonction des activités du commerce. Ainsi les commerces de journaux et périodiques peuvent être évalués entre 50 à 65 % du CAHT, et les tabacs à 1 à 2 ans de remise nette tabac.
On peut légitimement penser que l'amplitude des fourchettes retenues dans ces barèmes résulte de la réalité des transactions observées. Le barème ne serait ainsi qu'un observatoire des pratiques en matière de transactions sur les fonds de commerce. Ils n'indiqueraient donc que des prix observés et non des valeurs objectives...
Quelle méthode appliquer alors afin de déterminer une valeur objective ? On constate de plus en plus l'utilisation de méthodes basées sur la rentabilité de l'entreprise. Cette attitude est de bon sens car, en effet, ne dit-on pas que n'a de valeur que ce qui rapporte ?
L’approche par la rentabilité vue par FIDUCIAL
Cette méthode pose comme principe qu'un fonds n'a de valeur que si sa rentabilité permet à l'acquéreur potentiel aussi bien de rémunérer son travail que de rembourser son emprunt puis de constituer son capital. La question du niveau de résultat qui met le mieux en évidence la rentabilité réelle du fonds est alors posée.
La plupart des spécialistes, rejoints en cela par FIDUCIAL, considèrent que le niveau de résultat représentatif de la rentabilité du fonds est proche de l'excédent brut d'exploitation (EBE), c'est-à-dire le résultat avant, notamment, amortissements, coûts financiers et éléments exceptionnels.
Bien entendu, il s’agit d’un EBE retraité, c’est-à-dire neutralisant toutes les charges et tous les produits à caractère inhabituel qui traduisent les pratiques et les choix personnels de l’exploitant, et également visant à remettre tous les exploitants sur un pied d’égalité en termes de structure juridique utilisée (EI, EIRL ou SNC, IR ou IS). La rentabilité "réelle" étant affichée, il convient de lui appliquer un coefficient multiplicateur destiné à prendre en compte la plus ou moins grande pérennité du résultat.
Plus le résultat est pérenne (situation monopolistique, par exemple), plus le coefficient sera élevé ; plus le résultat est incertain (évolution concurrentielle forte, guerre des prix, par exemple...), plus le coefficient sera faible. Il n'est pas rare de relever des multiples allant de 3 à 6, voire plus.
Enfin, si la détermination de la rentabilité réelle du fonds peut être assez objective, il n'en est pas de même pour définir quel multiple sera retenu.
C'est au travers d'un diagnostic précis des conditions d'activité que des points forts et des points faibles pourront être mis en avant et permettront d'approcher un multiple "objectif".
Dans la méthodologie que FIDUCIAL développe, les différents domaines du diagnostic sont les suivants :
- connaissance générale de l'entreprise,
- diagnostic commercial (emplacement, zone de chalandise, concurrence...),
- diagnostic de l'outil de travail (état de l'agencement, matériel informatique...),
- diagnostic des ressources humaines (personnes- clés, ancienneté...),
- diagnostic juridique (baux, contrats...),
- diagnostic financier.
Les spécificités du métier de diffuseur de presse à prendre en compte dans l'évaluation
L'adéquation entre les activités et la clientèle
Les diffuseurs de presse exercent rarement l'activité de diffusion de la presse seule. Il s'agit souvent de magasins multiservices et multimétiers. Les principales activités exercées peuvent être regroupées en 2 catégories : les activités de mandataires rémunérées par des commissions sur le prix public (il s'agit de l'essentiel de l'activité), et les activités d'achat-revente. La répartition et le choix des activités est déterminant pour la rentabilité du magasin ; d'où l'importance d'étudier les secteurs porteurs en fonction de l'environnement du magasin et de sa clientèle.
La situation géographique
Les facilités d'accès et de stationnement aux abords du point de vente sont un atout majeur. Le profil de la clientèle joue également son rôle. L'élévation du pouvoir d'achat des habitants d'un quartier, la fréquentation accrue d'une artère principale, la transformation d'un village paisible en site touristique sont des facteurs déterminants pour faire grimper les prix.
Les perspectives de développement
Les opportunités de croissance sont à prendre en compte : contexte concurrentiel privilégié, projets urbains favorables ou arrivée d'une nouvelle clientèle locale.
Le personnel
La présence d'un personnel dynamique ou, au contraire, la nécessité de licencier un employé qui a une longue ancienneté dans l'établissement peut infléchir l'évaluation à la hausse ou à la baisse, s'ils sont l'élément-clé d'un redéploiement commercial.
Les locaux et installations
Tout commerce doit comporter un magasin et une réserve. Leur surface et leur volume, la rapidité d'accès au lieu de stockage ont autant d'importance que l'état des locaux, les équipements existants, leur degré d'entretien et la qualité d'agencement du point de vente.
Le stock
Le stock peut s'avérer être significatif, il est alors nécessaire de l'évaluer à la bonne valeur. Le stock recèle-t-il des éléments obsolètes, des invendus de longue date ? Quelle est la rotation du stock et pour quel montant celui-ci doit-il être pris en compte ?
Outils informatiques de gestion
L'existence ou non d'un TPV en liaison avec un poste de gestion doit aussi être pris en compte dans l'évaluation ainsi que son financement et son ancienneté. Si le matériel est financé par le biais d'un crédit-bail, outre l'aspect juridique de la continuité des contrats avec le repreneur, il faut examiner à quel stade du contrat se produit la cession. En supposant un contrat de crédit bail sur 3 ans et une cession en cours de la 3e année, l'acquéreur du fonds deviendra propriétaire du matériel, en levant l'option, souvent symbolique, de rachat, alors que c'est le vendeur qui aura "payé" le matériel pendant presque 3 ans. En clair, lors de l'évaluation, il faut "partager" la plus value liée à la faiblesse de la valeur de rachat par rapport à la valeur vénale du matériel, entre acquéreur et vendeur !
Le bail
Les clauses et la durée du bail restant à courir, le prix du loyer, l'existence d'un local d'habitation attenant contribuent à améliorer la valeur du fonds de commerce. De même, un bail tout commerce sera plus valorisé qu'un bail dont les conditions d'activités sont plus restreintes.
Les horaires et jours d'ouverture
Un magasin de presse qui comporte un débit de tabac doit ouvrir tôt le matin, rester accessible à l'heure du déjeuner et fermer souvent tard dans la soirée. Ces contraintes d'exploitation, auxquelles s'ajoutent le nombre limité (et réglementé) de jours de fermeture dans l'année, impliquent des frais de personnel. Ils rendent l'activité moins rentable. À l'inverse, un café bar-tabac ouvert le dimanche près d'un marché ou en soirée dans un quartier animé de plus en plus en vogue drainera un nombre de clients important.
L'implication de l'exploitant
Les magasins de presse sont des commerces soumis à de grandes amplitudes horaires : le diffuseur peut "ne pas compter ses heures". L'évaluation devra tenir compte de cette situation, par exemple en considérant l'embauche d'un salarié supplémentaire.
L'existence de collaborateurs "bénévoles"
Cette remarque rejoint la précédente dans les cas où, par exemple, un conjoint "bénévole" travaille réellement avec le diffuseur.
Les choix de l'exploitant
Certaines charges (voire certains produits) dont l'existence est liée à la façon personnelle de gérer de l'exploitant ou à des éléments exceptionnels (indemnités kilométriques, frais de déplacement, retraite complémentaire facultative, subventions...) devront être considérées dans l'évaluation.
Par ailleurs, la crise sanitaire a boosté les chiffres d’affaires des deux dernières années, ainsi que les résultats. Il faut donc être prudent sur les valorisations car ces chiffres ne vont pas perdurer dans le temps.
Vous l'avez constaté, évaluer un tabac-presse n'est pas une simple technique à mettre en œuvre, c'est une approche globale de l'entreprise destinée à mettre en avant ses points forts et ses points faibles pour, le cas échéant, les corriger dans l'optique d'une transmission.