C’est l’une des questions essentielles au moment de la vente de l’entreprise. Si cette dernière a pris de la valeur, le vendeur va-t-il devoir payer des prélèvements fiscaux et sociaux sur ce gain ? Le régime actuel d’exonération des plus-values professionnelles est complexe. Il a encore été récemment modifié par la loi de finances pour 2022. Plusieurs dispositifs coexistent. Pour compliquer le tout, leurs effets varient selon qu’il s’agit de l’impôt sur le revenu ou des cotisations sociales.
L'imposition des plus-values si aucune exonération n'est applicable
Lorsque l’on parle de plus-values professionnelles, il existe une distinction essentielle entre deux catégories.
Les plus-values « à long terme »
Pour faire court, il s’agit principalement des plus-values sur les immobilisations non amortissables (fonds commercial, clientèle, droit au bail) détenues depuis au moins deux ans. Parfois, l’entreprise peut également constater ce type de plus-value sur un immeuble professionnel.
Depuis 2018, ces plus-values sont imposées à un taux fixe d’impôt sur le revenu de 12,8 %.
Ces plus-values échappent aux cotisations sociales des indépendants mais sont soumises aux prélèvements sociaux applicables sur les revenus du patrimoine. Il s’agit essentiellement de la CRDS (0,5 %) et de la CSG (9,2 %) et du prélèvement de solidarité (7,5 %).
Le montant total de ces prélèvements sociaux se monte donc à 17,2 %.
En définitive, les plus-values à long terme sont imposées à un taux global de 30 % (12,8 % + 17,2 %).
Les plus-values « à court terme »
Il s’agit des autres plus-values et notamment celles réalisées sur les immobilisations amortissables (matériels, locaux…).
Ces plus-values sont traitées comme un bénéfice ordinaire. Elles sont donc passibles de l’impôt sur le revenu au barème progressif. Elles sont également soumises aux cotisations sociales des indépendants.
L'exonération des petites entreprises sous condition de chiffre d'affaires
C’est le plus ancien des régimes d’exonération et généralement le plus favorable. Il n’a pas été modifié par les dernières lois de finances.
Les conditions d'exonération
Elles sont au nombre de trois et sont cumulatives :
- l’activité doit avoir été exercée depuis au moins 5 ans lors de la vente ;
- l’activité doit avoir été exercée à titre professionnel, c'est-à-dire avec la participation personnelle directe et continue de l’exploitant ;
- le chiffre d’affaires moyen de l’entreprise ne doit pas dépasser un seuil qui varie en fonction de la nature de l’activité.
Ce seuil se monte à 250 000 € HT pour les activités de vente de biens.
Pour les activités de prestations, ce seuil est de 90 000 € HT.
Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires se compose à la fois de ventes et de prestations, la condition est double : le chiffre d’affaires total (vente + prestations) ne doit pas dépasser 250 000 € et le chiffre d’affaires des seules prestations de services ne doit pas excéder 90 000 €.
En cas de dépassement des seuils, une exonération dégressive est tout de même applicable entre 250 000 € et 350 000 € pour les activités de vente et entre 90 000 € et 126 000 € pour les activités de prestations de services.
En revanche au-delà de ces seuils majorés, il n’y a plus d’exonération.
À noter : aucune revalorisation de seuil n’est intervenue depuis bientôt 20 ans !
Les effets
Ce régime exonère de l’ensemble des prélèvements normalement appelés par les services fiscaux (impôt sur le revenu et prélèvement sociaux). Dès lors, les plus-values « à long terme » sont intégralement exonérées.
Pour les plus-values « à court terme », en revanche, l’exonération ne concerne que l’impôt sur le revenu. Le cédant reste redevable des cotisations sociales des indépendants.
L'exonération des transmissions d'entreprises sous condition de valeur
Cette exonération vise spécifiquement la transmission d’entreprise (ou d’une branche complète d’activité).
Les conditions (cumulatives là encore)
- la cession doit porter sur l’ensemble des actifs de l’entreprise individuelle (ou de la branche d’activité vendue) ;
- l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans avant la vente (l’administration fiscale ajoute également que cette activité doit avoir été exercée à titre professionnel) ;
- le cédant ne doit ni diriger, ni contrôler l’entreprise cessionnaire. L’administration veut éviter les schémas de « vente à soi-même » avec exonération des plus-values ;
- la valeur totale des éléments cédés ne doit pas dépasser 500 000 €. Ce seuil a été sensiblement relevé par la loi de finances pour 2022 (avant, il était de 300 000 €).
Une exonération partielle et dégressive est prévue.
Elle s’applique lorsque la valeur des biens transmis est comprise entre 500 000 € et 1 000 000 € (là encore le seuil a été relevé).
Pour apprécier ce seuil, il faut retenir le prix fixé pour l’ensemble des éléments transmis. Cela comprend le prix de tous les éléments mobiliers corporels (matériels, équipements…) y compris les stocks et de tous les actifs incorporels (fonds de commerce, droit au bail…).
En revanche, si la vente comprend des biens immobiliers (locaux de l’entreprise essentiellement) l’administration admet que leur prix ne soit pas pris en compte pour l’appréciation du seuil.
Attention : si des suppléments de prix sont prévus dans la vente (indemnités au profit du vendeur ou prise en charge de dépenses qui lui incombe par l’acheteur), ils doivent être ajoutés à celui des éléments vendus.
Les effets
Lorsque ce dispositif est applicable, l’exonération est totale pour les plus-values « à long terme ».
En revanche, là encore, les plus-values « à court terme » sont exonérées d’impôt sur le revenu, mais pas des cotisations sociales des indépendants.
Particularité : si la vente comprend les locaux de l’entreprise, l’éventuelle plus-value immobilière constatée sur cette vente reste taxable.
L'exonération des cessions d'entreprises sous condition de départ en retraite
Par rapport aux deux dispositifs précédents, ce cas d’exonération présente l’avantage de n’être limité par aucun seuil de chiffre d’affaires ou de valeur.
Les conditions (toujours cumulatives)
- la cession doit porter sur l’ensemble des actifs de l’entreprise individuelle ;
- l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans avant la vente (l’administration fiscale ajoute également que cette activité doit avoir été exercée à titre professionnel) ;
- le cédant ne doit pas détenir directement ou indirectement plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de l’entreprise cessionnaire (là encore, c’est la « vente à soi-même » qui est visée) ;
- le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise cédée et obtenir la liquidation de sa retraite. Il dispose d’un délai de 24 mois pour remplir ces conditions.
La loi de finances pour 2022 a rallongé ce délai pour les entrepreneurs qui ont demandé la liquidation de leur retraite pendant les « années covid ».
Si le vendeur a fait valoir ses droits à la retraite avant la cession, et durant la période comprise entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021, il dispose d’un délai de 36 mois pour réaliser la vente de son entreprise.
Les effets
Ils sont un peu moins favorables que les deux régimes précédents :
- Les plus-values « à long terme » sont exonérées d’impôt sur le revenu mais le cédant supporte tout de même les prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.
- Les plus-values « à court terme » sont également exonérées d’impôt sur le revenu mais restent intégralement passibles des cotisations sociales des indépendants.
Comme pour l’exonération précédente, ce dispositif ne s’applique pas aux plus-values réalisées sur la vente des locaux professionnels.
Un régime d’exonération complémentaire pour certaines plus-values immobilières
Parmi les régimes d’exonération présentés dans cet article, les deux derniers ne s’appliquent pas aux plus-values réalisées sur la vente des locaux professionnels inscrits au bilan.
Il existe néanmoins une mesure complémentaire. Elle permet de bénéficier d’un abattement calculé sur le montant des plus-values réalisées sur la vente (ou le retrait du bilan) des locaux professionnels.
Elle prend la forme d’un abattement pour durée de détention mais ne concerne que les plus-values « à long terme ».
Cet abattement ne s’applique qu’après un délai de cinq années d’inscription au bilan. À compter de la sixième année, le montant de la plus-value « à long terme » immobilière est réduit de 10 % par an.
Au bout de 15 ans, il ne reste plus rien à imposer.
Cet abattement s’applique aussi bien pour le calcul de l’impôt sur le revenu que pour celui des prélèvements sociaux.
Par contre, les plus-values « à court terme » restent imposables en totalité (impôt sur le revenu et cotisations sociales des indépendants).
Remarque : la réalisation d’une plus-value à long terme sur un immeuble professionnel n’est pas systématique. Il faut que l’immeuble soit vendu pour un prix supérieur à sa valeur d’inscription au bilan. L’essentiel des plus-values immobilières est donc généralement à court terme.