Le mariage, c’est vivre en couple, que l’on soit de sexe différent ou de même sexe depuis la loi du 17 mai 2013. C’est aussi adopter un régime matrimonial.
Quel régime choisir ? C’est ce que nous allons voir. Tous les couples mariés ont un régime matrimonial, qu’ils l’aient volontairement choisi ou non. Il existe un régime matrimonial “légal” qui s’applique automatiquement aux époux qui n’ont pas conclu de contrat devant notaire avant de se marier (plus de 80 % des mariages) ; les règles de ce régime sont fixées par la loi.
Les époux qui préfèrent un autre régime doivent passer un contrat de mariage notarié avant le mariage : leur régime est alors dit “conventionnel” et ses règles sont fixées par le contrat de mariage. Les règles spécifiques au statut matrimonial d’un chef d’entreprise méritent d’être connues, pour leur impact sur la gestion et la propriété de l’entreprise, afin de vérifier si ce statut est bien adapté. C’est pourquoi il apparaît utile de présenter ici les différents régimes matrimoniaux au regard de l’entreprise.
Le régime légal de communauté
C’est le régime attribué par la loi aux époux mariés sans contrat de mariage.
La propriété des biens
Les époux mariés depuis le 1er février 1966 sont soumis à l’actuel régime légal : le régime de la communauté de meubles et d’acquêts.
Les époux mariés avant février 1966 relevaient du régime légal dit de “communauté de meubles et acquêts”, et sont restés soumis depuis cette date à ce régime, sauf s’ils ont opté pour le nouveau régime légal au cours de la période transitoire prévue par la loi. Depuis 1966, l’ancien régime légal peut être adopté par des époux en tant que régime conventionnel.
Les biens communs
Sont communs aux deux époux tous leurs revenus (bénéfices, salaires, loyers…) perçus au cours du mariage, et même s’ils proviennent de biens personnels à l’un des époux, ainsi que tous les biens acquis avec ces revenus durant le mariage.
Ainsi, un commerce créé ou acheté après le mariage par un époux est un bien commun. Il en est de même des parts de société souscrites pendant le mariage par un époux, même si les parts sont à son nom.
À la fin du mariage, les biens communs sont partagés par moitié entre les époux en cas de divorce, ou entre l’époux survivant et les héritiers du défunt en cas de décès.
Les biens propres
Les biens que chaque époux possédait avant de se marier continuent à lui appartenir personnellement après le mariage. Les biens qu’il reçoit au cours du mariage par donation ou succession lui sont aussi personnels.
Ainsi par exemple, un commerce créé par un époux avant de se marier ne devient pas un bien commun après le mariage : il appartient “en propre” à cet époux. S’il le revend, et s’il rachète un autre bien avec le produit de la vente, ce nouveau bien lui sera également personnel, à condition de déclarer expressément lors de cet achat que les fonds proviennent d’un bien propre. À la fin du mariage, chaque époux récupère ses biens personnels, autrement dit ses biens propres.
Dans l’ancien régime de “communauté de meubles et acquêts”, étaient considérés comme communs tous les biens mobiliers (fonds de commerce, titres de société, argent…), qu’ils soient acquis par les époux avant ou après le mariage. En revanche, les immeubles n’étaient communs que s’ils étaient achetés après le mariage.
La gestion de l'entreprise
L’entreprise individuelle
- Époux exerçant une activité séparée : l’époux commerçant qui exerce sa profession séparément de son conjoint dispose d’une autonomie de gestion. Il gère seul le fonds de commerce, même s’il s’agit d’un bien commun aux deux époux. Mais, pour les actes importants (ventes, donations, hypothèques) portant sur un immeuble, un fonds de commerce ou des parts sociales faisant partie des biens communs, il doit obtenir l’accord de son conjoint. De même, le consentement des deux époux est nécessaire pour donner à bail commercial des locaux professionnels communs. En revanche, un seul des époux peut donner le fonds commun en location-gérance, sauf dans le cas ci-dessous.
- Époux collaborant à l’activité de son conjoint : lorsque le conjoint de l’exploitant travaille avec lui dans le commerce qui fait partie des biens communs, il doit consentir à la vente ou au nantissement d’éléments du fonds nécessaires à l’exploitation. De même, son accord est exigé pour la mise en location-gérance du fonds.
La société
Un époux ne peut pas apporter en société seul, sans l’accord de son conjoint, un fonds de commerce ou un immeuble qui constitue un bien commun. En revanche, il peut seul acquérir des parts de société ou faire un apport en numéraire à une société. Mais si le financement est effectué au moyen de deniers communs, et s’il s’agit d’une SARL, EURL ou SNC, il doit en aviser son conjoint. Ce dernier peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts acquises.
Les dettes professionnelles
Lorsqu’un époux commerçant contracte une dette pour son activité professionnelle, ses créanciers peuvent exercer des poursuites :
- sur ses biens personnels,
- et sur les biens communs, à l’exception des salaires ou des gains provenant de l’activité professionnelle de son conjoint.
Les biens propres du conjoint de l’exploitant, et ses gains et salaires, sont donc à l’abri des poursuites des créanciers de l’entreprise. Mais en revanche, les biens acquis avec ses revenus peuvent être saisis.
Si l’époux commerçant contracte un emprunt ou un cautionnement pour son entreprise, il n’engage que ses biens personnels et ses revenus. Toutefois, si ces actes ont été contractés avec le consentement exprès de son conjoint, les biens communs sont également engagés : seuls les biens propres du conjoint qui a donné son consentement sont exclus des poursuites.
En résumé, le régime de communauté peut présenter des inconvénients, tant au regard de la liberté de disposer de certains biens que des risques financiers encourus du fait des dettes professionnelles par les biens acquis pendant le mariage. Aussi, il est souvent conseillé aux futurs époux d’adopter un régime matrimonial séparatiste.
Les régimes matrimoniaux dits conventionnels
Ces régimes sont adoptés soit en concluant, avant le mariage, un contrat de mariage devant notaire, soit en mettant en oeuvre, après le mariage, une procédure de changement de régime matrimonial.
Le régime de séparation de biens
La propriété des biens
Les patrimoines des deux époux sont cloisonnés : chacun est propriétaire des biens qu’il possédait avant de se marier et de ceux qu’il a acquis après le mariage. L’entreprise créée ou acquise par un seul des époux lui appartient en propre (même si les deniers lui ont été fournis par son conjoint).
Toutefois, même s’il n’y a pas de biens communs comme dans les régimes communautaires, il peut y avoir des biens indivis : ce sont des biens acquis et financés ensemble par les deux époux.
À la fin du mariage, chacun reprend ses biens personnels et les biens indivis, s’il y en a, sont partagés au prorata des droits de propriété de chaque époux.
La gestion des biens
Chaque époux peut gérer librement son patrimoine personnel et en disposer seul. Il a tous pouvoirs sur les biens professionnels qu’il a créés ou acquis seul.
Les dettes professionnelles
Chaque époux est responsable de ses dettes professionnelles. Il n’engage que ses biens personnels : s’il se porte caution, ou s’il emprunte seul sans son conjoint, les créanciers ne pourront pas agir contre ce dernier.
Mais les banquiers demandent souvent au conjoint du professionnel de se porter caution de celui-ci, ou co-emprunteur. La protection du conjoint séparé de biens à l’égard des créanciers de son conjoint chef d’entreprise disparaît alors.En résumé, ce régime convient aux époux qui ont une activité professionnelle séparée et des revenus comparables ; mais lorsqu’un seul des époux travaille, ce régime ne permet pas à son conjoint de profiter de son enrichissement. Aussi, les époux peuvent choisir le régime de participation aux acquêts, intermédiaire entre le régime de communauté et le régime de séparation de biens.
Le régime de participation aux acquêts
Pendant le mariage
Le régime fonctionne durant le mariage selon les mêmes règles que le régime de séparation de biens. Le patrimoine professionnel acquis par un époux lui reste propre ; ses créanciers ne peuvent pas poursuivre son conjoint.
À la fin du mariage
Chaque époux bénéficie de l’enrichissement de l’autre : il a droit à la moitié de la différence constatée (en valeur) entre le patrimoine détenu par son conjoint à la fin du mariage par rapport à celui possédé au début du mariage augmenté des biens reçus après le mariage par donation ou succession.
En résumé, ce régime est relativement complexe d’application, en raison des opérations d’évaluation et de comparaison des patrimoines ; mais il assure une bonne protection des intérêts respectifs des époux.
Le régime de communauté universelle
La propriété des biens
Tous les biens possédés par chacun des époux avant le mariage et ceux qu’ils acquièrent après le mariage sont communs aux deux époux, sauf si certains biens sont exclus de la communauté par une clause du contrat de mariage.
À la fin du mariage, en principe, la communauté se partage par moitié entre les deux époux. Toutefois, le plus souvent, le contrat de mariage comporte une clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant ; dans ce cas, l’intégralité des biens communs devient la propriété du conjoint survivant lors du décès de son conjoint (sous réserve des droits successoraux des enfants d’un premier mariage).
La gestion des biens
Sont applicables les mêmes règles de gestion que dans le régime légal de communauté.
Les dettes professionnelles
Le recouvrement de toutes les dettes des époux, y compris les dettes professionnelles, peut être poursuivi sur tous les biens communs. Toutefois, en cas d’emprunt ou caution souscrits par un seul époux, ne sont engagés que ses revenus et ses biens personnels, sauf en cas de consentement de son conjoint.
En résumé, ce régime convient aux époux qui souhaitent assurer la protection du conjoint survivant en cas de décès de l’un d’eux. En revanche, il est déconseillé pour les personnes qui sont encore en activité professionnelle en raison des règles relatives aux dettes.
En conclusion, les régimes matrimoniaux présentent tous des avantages et des inconvénients. À la question : “Quel régime matrimonial choisir ?”, il n’existe pas de réponse générale, valable pour tous les époux. Le choix dépend de la situation des époux, de leur activité professionnelle, de leur âge, de leur fortune personnelle, de leur situation familiale antérieure au mariage (existence d’enfant d’un premier mariage, par exemple), de la volonté de préserver le conjoint survivant en cas de décès. S’il est préférable, car moins coûteux, d’adopter dès le début du mariage le régime le mieux adapté, il est possible pour les époux de changer de régime au cours de leur union, deux ans au moins après le mariage : pour cela, il est nécessaire de recourir à un notaire, et s’il y a des enfants mineurs, de faire homologuer le changement par le tribunal avec intervention obligatoire d’un avocat. S’il y a des enfants majeurs, l’homologation judiciaire n’est pas obligatoire, sauf en cas d’opposition au changement formulée par un enfant majeur ou un créancier.