TVA: nouveau régime d'autoliquidation pour les travaux immobiliers sous-traités

L’article 25 de la loi de finances pour 2014 instaure un mécanisme d’autoliquidation pour les contrats de sous-traitance relatifs à des travaux de construction entre un entrepreneur principal, donneur d’ordre, et son sous-traitant.

Pour faire simple, à compter du 1er janvier 2014, c’est l’entrepreneur principal qui sera redevable de la TVA sur l’opération à la place de son sous-traitant.

Cette réforme a des incidences sur les relations commerciales entre entrepreneur principal et sous-traitant, sur les règles de facturation et bien évidemment sur les modalités de déclaration de la TVA.

Que vous soyez entrepreneur principal ou sous-traitant, vous êtes impacté par la mesure.

Pour que vous ne soyez pas une victime involontaire de ces nouvelles règles, il peut être utile de vous assurer que vos partenaires aux contrats de sous-traitance sont également parfaitement informés. À défaut, leur méconnaissance du nouveau régime peut vous pénaliser. Un courrier informatif, adressé à votre cocontractant peut vous permettre d’éviter cet écueil.

 

Régime applicable jusqu’au 31 décembre 2013

Jusqu’à cette date, les opérations de sous-traitance réalisées dans le secteur du bâtiment ne faisaient pas l’objet de règles spécifiques.

Le sous-traitant facturait sa prestation avec TVA, déclarait la taxe et reversait celle-ci au Trésor Public.

L’entrepreneur principal, de son coté, payait la prestation TTC et déduisait la TVA qui lui avait été facturée.

Ce mécanisme traditionnel avait été détourné par des sous-traitants, qualifiés “d’entreprises éphémères” par les pouvoirs publics.
Ces sous-traitants disparaissaient sans reverser la TVA payée par l’entrepreneur principal.

La France fait usage d’une faculté qui lui est offerte par la directive européenne sur la TVA pour lutter contre la fraude.

Dans quels cas s'applique le nouveau régime ?

Ce nouveau dispositif concerne les opérations de sous-traitance intervenant entre un prestataire et un preneur français. C’est un autre régime d‘autoliquidation qui s’applique lorsque le prestataire n’est pas établi en France.

Les travaux visés sont les travaux de construction, y compris de réparation, de nettoyage, d’entretien, de transformation et de démolition relatifs à un bien immobilier.

L’administration fiscale donne une définition très large de cette notion qui englobe l’essentiel des travaux immobiliers.

Seules les opérations de sous-traitance sont concernées.

Celles-ci se définissent comme des opérations dans lesquelles un entrepreneur confie sous sa responsabilité, à une autre personne, appelée sous-traitant, l’exécution de tout ou partie d’un contrat d’entreprise ou d’une partie d’un marché public conclu avec le maître de l’ouvrage.

Ces opérations supposent qu’au moins trois personnes soient impliquées :

  • le client final ou maître de l’ouvrage, lequel peut être ou non un assujetti (entreprise ou particulier) ;
  • l’entrepreneur principal ou donneur d’ordre qui doit être un assujetti ;
  • le sous-traitant, également assujetti.

À l’inverse, les opérations réalisées par une entreprise, sans recours à la sous-traitance, directement pour le compte du maître de l’ouvrage (entreprise ou particulier), ne sont pas concernées par le nouveau dispositif d’autoliquidation de la TVA.

Ce nouveau mécanisme devrait également s’appliquer entre sous-traitants en présence d’une chaîne de sous-traitance.

Dans cette situation, un premier sous-traitant fait lui-même appel à un second sous-traitant pour l’exécution du même marché. Le premier soustraitant est alors considéré comme donneur d’ordre à l’égard du second sous-traitant. L’administration devrait alors considérer que ce premier sous-traitant doit autoliquider la TVA sur la prestation réalisée par le second sous-traitant.

À partir de quand s'applique le nouveau régime et quelles conséquences pratiques?

Si un contrat de sous-traitance est tacitement reconduit après le 1er janvier 2014, les prestations postérieures à cette reconduction sont soumises au nouveau régime.

La loi de finances pour 2014 précise que le nouveau régime s’applique à tous les contrats de sous-traitance conclus à compter du 1er janvier 2014.

Pendant les quelques mois qui vont suivre le 1er janvier 2014, deux régimes différents vont donc coexister:

  • l’ancien régime pour les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2013 (en cours au 1er janvier et terminés après cette date). Ces travaux restent facturés avec TVA.
  • le nouveau dispositif d’autoliquidation pour les contrats conclus à compter du 1er janvier 2014. Ces travaux sont facturés sans TVA.

En l’absence de contrat écrit, le donneur d’ordre et le sous-traitant peuvent se prévaloir de tout document (devis ou bon de commande signé par exemple) permettant de démontrer que le contrat a été conclu avant le 1er janvier 2014.

Quelles conséquences pratiques ?

Tant l’entrepreneur principal que le sous-traitant vont devoir modifier leurs pratiques.

Au niveau du sous-traitant
Celui-ci devra établir ses factures sans faire apparaître la TVA et n’encaissera que le prix HT.

Il devra également porter la mention spéciale “AUTOLIQUIDATION” sur ses factures, pour bien indiquer que la TVA doit être liquidée par son donneur d’ordre et justifier l’absence de taxe.

Sur ses déclarations de TVA, il mentionnera le montant des prestations sous-traitées comme des “opérations non-imposables”.

Remarque : cette nouvelle règle n’a aucune incidence sur le droit à déduction de la TVA du sous-traitant. Il peut toujours déduire, dans les mêmes conditions, la TVA qui lui a été facturée par ses fournisseurs.

Attention : pour certains sous-traitants, les nouvelles règles peuvent avoir pour effet de faire apparaître des crédits de TVA remboursables (en principe sous 30 jours).

Au niveau de l'entrepreneur principal
Ce dernier recevra une facture sans TVA et paiera le montant hors taxes des travaux à son sous-traitant.

Il auto liquidera la TVA relative aux prestations qui lui ont été facturées par le sous-traitant en les mentionnant sur ses propres déclarations dans les “Autres opérations imposables”.

Il réalisera la déduction de cette TVA sur la même déclaration, dans les conditions habituelles (en “TVA déductible”).

Remarque : ce nouveau dispositif, ne change rien au montant de trésorerie décaissé par le donneur d’ordre.

Que se passe-t-il si ces règles ne sont pas respectées ?

Ce nouveau régime d’autoliquidation s’applique même en cas de paiement direct du sous-traitant par le maître de l’ouvrage.

Cas n° 1 :
le sous-traitant a bien appliqué la nouvelle règle et n’a pas facturé la TVA mais l’entrepreneur principal a oublié d’autoliquider la taxe.
Si l’administration constate l’oubli, l’entrepreneur principal est passible d’une amende égale à 5 % de cette taxe.

Cas n°2 :
le sous-traitant n’a pas appliqué la nouvelle règle et a facturé la TVA à tort.
Comme toute TVA facturée, même par erreur, elle doit être reversée. Mais l’entrepreneur principal, s’il la paie, s’en verra refuser la déduction.

L’entrepreneur principal a donc intérêt à refuser toute facture qui mentionne la TVA par erreur et à exiger une facture rectificative.

Conclusion
Pour éviter ces difficultés, il est de l’intérêt de chacune des deux parties de s’assurer que l’autre est suffisamment informée des nouvelles règles et les applique correctement.

Que vous soyez sous-traitant ou entrepreneur principal, l’envoi d’un courrier d’information à vos partenaires est une manière de limiter les risques.