Quelles sont les différentes mesures portées par la loi d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat ?
La loi du 16 août 2022 (n° 2022-1158) portant sur les « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » ne se limite pas à une forme de pérennisation du dispositif mis en œuvre au cours de la période de la crise sanitaire et qui était désigné sous les termes « prime Macron ». De nombreuses mesures portant sur les heures supplémentaires, l’intéressement… sont également portées par ce texte. À ce texte, s’ajoutent également les mesures prises dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022. Cette dernière vise le même objectif de protéger le niveau de vie des Français. On trouve ainsi les dispositifs visant la possibilité de monétariser les jours de repos ou de RTT, l’amélioration de la prise en charge des frais de transport ou le remboursement des frais de nourriture…
1) La prime de partage de la valeur (PPV)
Mesure phare de la loi du 16 août 2022, le dispositif mis en œuvre en décembre 2018 (n° 2018-1213) et reconduit en 2020 et 2021 afin de permettre aux entreprises, sous certaines conditions, de verser exceptionnellement une prime non imposable et exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales est en quelque sorte pérennisé.
Bien qu’il existe certaines ressemblances entre la prime dite « Macron » et la prime de partage de la valeur, les dispositifs sont toutefois distincts. Malgré un régime transitoire pour les années 2022 et 2023, le dispositif de la PPV a un caractère pérenne même s’il reste un dispositif strictement optionnel qui ne s’impose donc pas aux employeurs.
Quelles sont les entreprises concernées par la PPV ?
Sont concernés les employeurs de droit privé, y compris les travailleurs indépendants (artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales), les mutuelles, les associations, les fondations ou encore les syndicats.
Peuvent également octroyer une telle prime à leurs agents :
- les établissements publics administratifs ou à caractère industriel et commercial,
- les établissements et services d'aide par le travail.
Quels sont les salariés concernés ?
Les bénéficiaires potentiels de la prime de partage de la valeur sont :
- les salariés titulaires d'un contrat de travail à la date de versement de la prime, du dépôt de l'accord ou de la signature de la décision unilatérale de l'employeur (DUE) quelle que soit la forme du contrat de travail (CDI, CDD, travailleurs à temps plein ou à temps partiel, titulaires d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation),
- les agents publics,
- les intérimaires mis à disposition d'une entreprise utilisatrice attribuant la prime à ses salariés. Dans cette hypothèse, l'entreprise utilisatrice doit informer l'entreprise de travail temporaire ayant mis à sa disposition des travailleurs intérimaires afin qu’elle verse cette même PPV aux salariés concernés dans les conditions et selon les modalités fixées par l'accord ou la DUE de l’entreprise utilisatrice.
À noter que peuvent être exclus du versement de la PPV les salariés dont la rémunération est supérieure à un plafond déterminé par l'accord ou la DUE.
Quels sont les critères de modulation du montant de la prime attribuée ?
Les employeurs désireux de verser une prime PPV peuvent moduler le montant de la prime au travers de critères objectifs.
Ils sont ainsi libres de verser une prime en tenant compte :
- de la rémunération des salariés,
- de leur niveau de classification,
- de la durée de leur présence effective pendant l'année écoulée,
- de la durée de travail prévue à leur contrat de travail,
- de leur ancienneté dans l'entreprise.
Quelles sont les conditions de mise en place de la prime ?
La PPV peut être mise en place par accord d’entreprise, selon les modalités prévues pour les accords d'intéressement. Elle peut également être mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du Comité Social et Économique s’il existe dans l’entreprise.
Quelles sont les conditions de versement de la PPV ?
Bien que la loi autorisant son versement ait été publiée au Journal officiel en date du 17 août 2022, le versement d’une PPV est autorisée à compter du 1er juillet 2022 sans que cela remette en cause le bénéfice des exonérations sociales et fiscales.
Le montant global de la PPV fixé par l’accord ou la DUE peut être versé en une seule fois ou en plusieurs fois au cours de l'année civile. Dans ce dernier cas, seul un versement par trimestre est autorisé.
Dans quelles conditions la PPV est-elle exonérée de cotisations et contributions sociales ?
Le montant de la prime est exonérée dans la limite de 3 000 € par bénéficiaire et par année civile.
Ce montant est porté à 6 000 € lorsque l’entreprise est dotée ou se dote d’un accord d'intéressement à la date du versement de la prime ou conclut un accord d'intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, cette condition est également remplie si l'entreprise est dotée d'un accord de participation ou d'intéressement à la date du versement de la prime ou si elle conclut un accord de participation ou d'intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime.
Tous les salariés titulaires d’un contrat de travail peuvent bénéficier d’une PPV, sauf à ce que l’accord ou la DUE fixe un plafond (contrairement à l’ancien dispositif de la prime dite « Macron » qui imposait un plafond au-delà duquel la prime ne pouvait être versée).
Dans quelles conditions la PPV est-elle exonérée d’impôt sur le revenu et de CSG-CRDS ?
Contrairement aux cotisations et contributions sociales, le régime fiscal de la PPV dépend de la rémunération perçue par les bénéficiaires et connaît un régime transitoire sur la période allant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023.
Ainsi et au cours de cette période, en matière d’impôt sur le revenu et en matière de CSG/CRDS, la PPV est totalement exonérée pour les salariés bénéficiaires dont la rémunération annuelle est inférieure à 3 fois le montant du SMIC annuel (sous réserve également, comme rappelé ci-dessus, que la PPV respecte bien également les limites des 3 000 ou 6 000 €).
Dans le cas contraire, la PPV, bien qu’exonérée en matière sociale, sera assujettie à l’impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS dès le 1er euro.
À compter du 1er janvier 2024, la PPV entrera dans son régime définitif. En matière d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS, la PPV sera totalement assujettie pour tous les salariés sans distinction de rémunération.
2) La monétarisation des jours de repos ou de RTT
En droit du travail, la monétarisation des RTT et des jours de repos des salariés au forfait jours est limitée.
De manière dérogatoire, l'article 5 de la loi de finances rectificative pour 2022 permet au salarié, sur sa demande et en accord avec l'employeur, de renoncer à tout ou partie de journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.
Si la demande est acceptée par l’employeur, les journées ou demi-journées ainsi abandonnées et donc travaillées donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l'entreprise.
3) La prise en charge des frais de transport des salariés au titre des années 2022 et 2023
Hors période exceptionnelle, il existe différents dispositifs permettant la prise en charge des frais exposés par les salariés pour se rendre sur leur lieu de travail (hors cas de déplacements professionnels).
Il s’agit, tout d’abord, de la prise en charge obligatoire de la moitié du coût des titres d'abonnements aux transports publics de personnes (ou de services de location de vélos).
Il s’agit ensuite de la prime dite « transport » qui, facultative, permet à l’employeur de prendre en charge tout ou partie des frais de carburant et des frais d'alimentation des véhicules non thermiques.
Il s’agit enfin du « forfait mobilité durable » qui permet, toujours de manière facultative, de prendre en charge tout ou partie des frais de transport au moyen, par exemple, de vélos, covoiturage…
La loi de finances rectificative pour 2022 (n° 2022-1157) renforce ses trois dispositifs.
Ainsi, en ce qui concerne l’obligation de prendre en charge la moitié des titres d’abonnement aux transports, la loi de finances rectificative étend le bénéfice des exonérations sociales et fiscale à la prise en charge, par l’employeur, d’une part supplémentaire équivalente à 25 % du prix des titres d'abonnements. Cette possibilité reste facultative.
En ce qui concerne la prime transport, le droit au versement est normalement conditionné au fait que la résidence habituelle du salarié ou son lieu de travail se trouve dans une commune non desservie par un service de transport collectif régulier ou que l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport.
La loi de finances rectificative pour 2022 supprime ces conditions au titre des années 2022 et 2023.
Cette loi autorise également, pour la même période, le cumul de la prime transport et de la prise en charge obligatoire par l'employeur des frais d'abonnements aux transports en commun alors qu’il s’agit de dispositifs en principe alternatifs.
En ce qui concerne les plafonds d’exonération, en cas de cumul entre un forfait de mobilité durable et une prime de transport, l’exonération fiscale est fixée à 500 € par an dont 200 € pour les frais de carburant. La loi de finances rectificative pour 2022 porte ces montants à 700 € et 400 € pour les frais de carburant. L’exonération de cotisations et contributions sociales est portée aux mêmes plafonds.
Enfin, en cas de cumul entre un forfait mobilité durable et la prise en charge d’un abonnement aux transports publics, il est prévu un plafond de 600 € par an. La loi de finance rectificative porte ce plafond à 800 € par an.
4) La revalorisation des allocations forfaitaires « nourriture »
Les allocations forfaitaires de frais de repas pris en charge par l'employeur constituent des frais professionnels bénéficiant d'une exonération de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu lorsque le salarié se trouve placé dans des circonstances de fait qui l’expose à des dépenses supplémentaires.
Selon le cas de figure, les limites d’exonération sont fixées à 6,80 € si le salarié est contraint de prendre son repas sur son lieu de travail, à 9,50 € si le salarié, ne pouvant rejoindre son domicile, n’est toutefois pas contraint de le prendre ni sur son lieu de travail ni au restaurant et, enfin, à 19,40 € s’il est contraint de le prendre son repas au restaurant.
Les plafonds fixés pour ces allocations forfaitaires sont revalorisés de 4 % à compter du 1er septembre 2022 et ce jusqu’au 31 décembre 2022.
Comme l’indique le site de l’Urssaf, cette revalorisation de 4 % vaut également pour le plafond d’exonération des titres-restaurant.
5) Les mesures de la loi du 16 août 2022 en faveur de l’épargne salariale
La loi du 16 août tend, d’une part, à simplifier la mise en place de l'intéressement et, d’autre part, à optimiser le contrôle administratif.
Concernant les aménagements visant les conditions de mise en place de l’intéressement, il peut être relevé que :
- la mise en place d’un intéressement par la voie d’une décision unilatérale de l’employeur est ouverte aux entreprises de moins de 50 salariés dépourvue de délégué syndical ou de CSE, ou en présence d’un échec de négociation (la mise en place par DUE était jusqu’alors réservée aux seules entreprises de moins de 11 salariés),
- la durée maximale des accords d’intéressement peut être portée à 5 ans (contre 3 ans aujourd’hui),
- le renouvellement tacite des accords d’intéressement n’est plus limité à une seule fois (cette forme de renouvellement n’est possible que si l’accord le prévoit et à défaut d’une demande de renégociation).
Concernant le contrôle administratif des dispositifs d’épargne salariale, la loi d’août 2022 l’aménage à la marge.
Avant la loi, les accords et règlements faisaient l’objet d’un contrôle en deux temps, d’abord par l’administration du travail (délai maximal d'un mois), puis par l'organisme de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale (délai maximal de 3 mois). Un délai supplémentaire de 2 mois était accordé à l'organisme de recouvrement pour le contrôle des accords d'intéressement. Ce n’est qu’à l’issue de ces délais et en l'absence d'observations que les accords étaient sécurisés en matière d’exonérations fiscales et sociales.
Le contrôle de l’administration social est supprimé. Seul est maintenu le contrôle de l’organisme de Sécurité sociale.
En conséquence, la durée totale du contrôle administratif est raccourcie d'un mois avec la loi du 16 août 2022 et cette réduction interviendra à compter des dépôts réalisés à partir du 1er janvier 2023, date à laquelle devraient être également mises en place une procédure simplifiée de dépôt, ainsi que la proposition d’une saisie en ligne d’accords types.
En outre, à l'initiative du Sénat, un déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement est possible, sauf quelques exceptions, jusqu'à la fin de l'année 2022.
Ainsi, dans la limite de 10 000 € nets de prélèvement sociaux, les droits (titres, parts, actions ou sommes) issus de la participation ou de l'intéressement qui ont été affectés à un plan d'épargne salariale avant le 1er janvier 2022 peuvent être débloqués de manière anticipée.
À cette fin, les employeurs ont 2 mois à compter de la promulgation de la loi (soit jusqu’au 16 octobre 2022), pour informer leurs salariés de cette possibilité. De son côté, si le salarié souhaite bénéficier de ce déblocage anticipé il doit :
- en faire la demande avant le 31 décembre 2022,
- justifier entrer dans les cas autorisés par la loi (achat d'un ou de plusieurs biens ou fourniture d'une ou de plusieurs prestations de services).
6) La loi du 16 août 2022 et le traitement des heures supplémentaires
Enfin, l'article 2 de la loi relative à la protection du pouvoir d'achat remet en place, 10 ans après sa disparition, un dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises dont l’effectif est compris entre au moins 20 salariés et 250 salariés.
Ce dispositif sera applicable à compter du 1er octobre 2022 et le montant de la déduction forfaitaire sera fixé par décret.
Par ailleurs, l'article 4 de la loi de finances rectificative porte à 7 500 € (au lieu de 5 000 €) le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu pour la rémunération des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er janvier 2022.