Le bilan, cet énigmatique objet des confins de la comptabilité et de la finance, que révèle-t-il de votre entreprise et de vous-même pour être autant attendu et scruté par vos banquiers, vos partenaires commerciaux, vos concurrents… voire l’administration fiscale ?
D’une présentation légalement codée, son contenu doit répondre aux canons de la finance. Sinon, gare !
Mon comptable est en train de faire mon bilan. Mon expert-comptable vient demain me présenter mon bilan. Mon banquier veut mon bilan… Autant d’expressions fréquemment entendues, qui pourtant sont fausses, ou plutôt, imparfaitement exactes. Fausses, car il faudrait plutôt employer le terme « comptes annuels » dont le bilan est l’un des trois éléments avec le compte de résultat et l’annexe. Imparfaitement exactes, car l’expression « bilan » prise dans une acception moins comptable et financière correspond aux résultats d’une ou plusieurs actions.
Le bilan, une photographie à un instant T
Le bilan est la photographie, à un jour donné, de la situation patrimoniale et financière d’une entreprise. Il en propose en fait une vision statique, ce qui rend plus délicate son analyse. Prenons l’exemple d’une entreprise dont une créance qui représente un quart de son chiffre d’affaires est encaissée cinq jours après la date de clôture. Dans le cas présent, les analystes concluront à un risque financier élevé dû à un crédit client trop long. Si le bilan était établi six jours plus tard, les mêmes analystes pourraient vanter l’absence de risque client et porter une appréciation totalement différente sur l’entreprise.
Plusieurs événements, plus ou moins exceptionnels par leur importance, peuvent perturber la lecture du bilan. C’est pourquoi une analyse pluriannuelle permet de les déceler, voire de les gommer. Il est également avisé de ne pas remettre un bilan à ses banquiers ou à ses associés sans leur commenter.
Le bilan, une valorisation prudente
Le bilan se compose de l’actif (c’est-à-dire ce que possède l’entreprise) et du passif (c’est-à-dire comment l’entreprise finance ce qu’elle possède). Les éléments sont inscrits à leur valeur historique, c’est-à-dire que mêmes s’ils sont anciens, ils ne font pas (sauf exceptions rarissimes et fiscalement coûteuses) l’objet d’une réévaluation à la clôture de l’exercice. Par exemple, une entreprise créée ex nihilo voici 10 ans ne pourra pas inscrire à son actif la valeur de son fonds de commerce alors qu’elle n’est probablement pas nulle, comme pourrait le prouver une éventuelle cession.
En revanche, la valeur de certains éléments d’actif est amputée, soit au moyen d’amortissements pour les immobilisations (l’amortissement correspond à la répartition de la valeur d’un bien sur plusieurs exercices en fonction de son utilisation), soit au moyen de dépréciations pour les autres éléments de l’actif tels les stocks, les créances et certaines immobilisations (la dépréciation correspond à la différence entre d’une part la valeur comptable d’un bien, et d’autre part, si elle lui est inférieure, sa valeur réelle.
Nous pouvons considérer que le bilan donne une valorisation particulièrement prudente de la situation patrimoniale et financière d’une entreprise, si bien sûr les dépréciations, les provisions et les amortissements ont été correctement évalués.
Les capitaux propres, la quote-part qui revient au chef d’entreprise et le cas échéant à ses associés
A l’origine, les capitaux propres sont constitués uniquement des apports du chef d’entreprise, et le cas échéant de ses associés. Au fil du temps, ils seront complétés par les résultats accumulés et non distribués (et donc laissés en réserves ou en report à nouveau).
Les capitaux propres mesurent l’engagement des propriétaires de l’entreprise par rapport aux autres financeurs de l’entreprise (banques, fournisseurs, Etat…). S’ils sont négatifs, c’est que les chances de survie de l’entreprise sont compromises. S’ils sont à l’équilibre, l’entreprise demeure exposée au risque de pérennité et doit engager certaines mesures correctrices. La faible rentabilité de l’entreprise ou des prélèvements excessifs au regard de la rentabilité dégagée sont généralement la cause de l’insuffisance de capitaux propres.
Les capitaux propres représentent la quote-part qui reviendrait au chef d’entreprise, et le cas échéant, à ses associés, lors de la cession de l’entreprise ou la cessation de son activité. Pour autant, au bilan, il ne s’agit que de la valeur comptable, qui serait ajustée dans ces circonstances des plus et moins-values sur les éléments de l’actif.
Les grands équilibres financiers
Il est de bonne orthodoxie financière de considérer que le fonds de roulement doit être supérieur au besoin au fonds de roulement, pour ainsi disposer d’une trésorerie positive.
Le fonds de roulement est égal à la différence entre les capitaux permanents (capitaux propres + provisions pour risque et charge + dettes financières à long terme) et les immobilisations nettes. Il doit en principe être positif, car par mesure de sécurité, les investissements doivent être financés par des ressources financières à long terme.
Le besoin en fonds de roulement (que l’on devrait plutôt appeler « besoin de financement de l'activité ») s’obtient par le calcul suivant : stocks + créances - dettes à court terme. L'activité génère des besoins de financement (stocks, créances), qui augmentent avec l’accroissement des stocks et/ou des créances clients (car pendant ce temps-là l’entreprise n’a pas de rentrées de trésorerie), d’où l’intérêt de les réduire au maximum. L’activité dégage aussi des ressources de financement à chaque fois qu’un fournisseur accorde un délai de paiement (car pendant ce temps-là l’entreprise n’a pas besoin de sortir de la trésorerie). Mais abuser d’un tel crédit n’est pas signe de bonne santé, d’autant plus que l’entreprise pourrait être fragilisée par la réduction desdits délais par les fournisseurs. C’est pour toutes ces raisons que les partenaires de l’entreprise s’intéressent à l’évolution des ratios suivants : durées en jour de rotation des stocks, du crédit clients et du crédit fournisseurs.
La trésorerie demeure positive, tant que les besoins de financement de l'activité sont inférieurs au fonds de roulement. Une trésorerie positive est généralement l’expression d’une saine rentabilité et/ou d’une bonne adéquation des prélèvements du chef d’entreprise à la rentabilité de l’entreprise. Si une trésorerie positive permet de mieux dormir, il faudra toutefois éviter de trop se reposer sur ses lauriers. Elle ne garantit nullement la pérennité de l’entreprise. A contrario, une trésorerie structurellement négative ne doit pas être assimilée à une faible rentabilité. Dans ce cas, il est malgré tout recommandé d’opérer un rééquilibrage de la structure financière, car à défaut, l’entreprise demeure trop à la merci de ses banquiers.
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