Lois de finances 2024 : revue des mesures principales

Depuis plusieurs années, les lois de finances se suivent et se ressemblent. Cette année encore, le texte rassemble une collection de mesures qui correspondent davantage à des « retouches » qu’à des réformes.

Cette loi de finances comprend également de nombreuses mesures purement sectorielles que nous laisserons de côté (mesures agricoles, secteur hippique, industrie verte…).

C’est du côté de la loi de financement de la Sécurité sociale que l’on trouve une véritable réforme : celle de la base de calcul des cotisations sociales des professions indépendantes.

1. Les principales mesures qui concernent les entreprises

1.1. Réforme de la base des prélèvements sociaux des professions indépendantes

Actuellement, le calcul des prélèvements sociaux des professions indépendantes nécessite d’être assez chevronné. En réalité, il existe deux bases de calcul distinctes :

  • l’une, pour les cotisations sociales proprement dites (maladie, maternité, vieillesse…) qui correspond pour l’essentiel au revenu commercial imposable ;
  • l’autre, pour les contributions sociales (CSG/CRDS) dans laquelle, il faut ajouter les cotisations sociales déduites du résultat commercial.

C’est ce système compliqué, avec double base de calcul, que la réforme entend simplifier.

 

À compter du 1er janvier 2025, il n’y aura plus qu’une seule base de calcul, commune à l’ensemble des prélèvements sociaux des professions indépendantes.

 

Cette base ne sera plus égale au revenu imposable proprement dit. Elle correspondra au montant des produits diminué du montant des charges afférentes à l’activité. Un décret viendra préciser la liste des charges qui ne pourront pas être déduites de la base sociale.

 

Mais surtout, les cotisations sociales, déductibles du résultat pour leur montant réel, cesseront totalement d’être retenues pour le calcul des prélèvements sociaux.

 

Elles seront remplacées par un abattement forfaitaire de 26 %. Il s’appliquera à la base de calcul de tous les prélèvements sociaux, y compris la CSG et la CRDS.

 

Il subsistera tout de même une différence entre les deux types de prélèvements sociaux. Pour le calcul des cotisations sociales (maladie, maternité, vieillesse…), il faudra ajouter les revenus de remplacement (indemnités journalières de Sécurité sociale ou de régime complémentaire) et déduire les sommes attribuées au titre des mécanismes d’épargne salariale.

 

Il est délicat à ce stade de prédire les conséquences exactes de cette réforme. Elle va s’accompagner de modifications de taux de certaines cotisations. En outre, des ordonnances et des décrets seront pris d’ici septembre 2024 pour compléter le texte adopté.
 

1.2. Évolution des exonérations d’impôt liées aux régimes zonés

Depuis de nombreuses années, le territoire français fait l’objet d’un classement en différentes zones délimitées en fonction de critères économiques et sociaux (attractivité, taux d’emploi, niveau de revenu…).

 

En fonction de ce classement, certains territoires offrent des avantages fiscaux spécifiques aux entreprises qui s’y installent.

 

L’une de ces zones est baptisée « zone de revitalisation rurale ». Depuis 2011, les entreprises créées ou reprises dans ces zones bénéficient d’une exonération totale sur les bénéfices pendant cinq ans à laquelle succède une exonération partielle et dégressive pendant trois ans. Peuvent s’y ajouter des exonérations d’impôts locaux.

 

Cette mesure fiscale devait prendre fin au 31 décembre 2023. Elle est prolongée de 6 mois jusqu’au 30 juin 2024.

 

À compter du 1er juillet 2024, elle est remplacée par un nouveau dispositif baptisé « Zones France Ruralité Revitalisation » ou « ZFRR ». Ce nouveau zonage remplacera également les « zones de revitalisation des commerces en milieu rural » (ou « ZoRCoMIR »).

 

Il s’agit essentiellement d’un redécoupage du zonage en milieu rural car les exonérations fiscales seront identiques au dispositif précédent. Au final, certaines communes vont sortir du dispositif et d’autres vont y entrer. Un arrêté ministériel à paraître délimitera les nouvelles zones.

 

Ces changements ne remettent pas en cause les exonérations en cours qui se poursuivent de toute manière jusqu’à leur terme.

 

Parallèlement à cette évolution, d’autres régimes dits « zonés », octroyant des exonérations, sont prorogés et notamment :

  • l’installation en « zone franche urbaine-territoires entrepreneurs » ou « ZFU-TE » qui concerne les quartiers urbains les plus en difficulté (jusqu’au 31/12/2024) ;
  • la création d’entreprise en « zone d’aides à finalité régionale » ou « ZAFR » (jusqu’au 31/12/2027).

 

1.3. Imposition des revenus des meublés de tourisme

La crise du logement qui sévit dans certaines villes a conduit le Gouvernement à vouloir durcir le régime fiscal de la location meublée touristique et plus particulièrement du régime micro-BIC.

 

En effet, les loueurs de meublés de tourisme classés peuvent appliquer ce régime forfaitaire jusqu’à 188 700 € de chiffre d’affaires et bénéficier d’un abattement de 71 %.

 

Les loueurs de meublés de tourisme non classés ont un seuil de chiffre d’affaires plus bas, fixé à 77 700 €, et un abattement réduit à 50 %.

 

A priori, l’idée de départ consistait à appliquer le seuil de 77 700 € et le taux de d’abattement de 50 % à tous les meublés de tourisme (classés ou non).

 

Ce projet s’est heurté à une erreur dans la rédaction du texte retenu lors de l’application de l’article 49.3 de la Constitution. Au final, il est au mieux ambigu, au pire incohérent. Tous les commentateurs ne sont d’ailleurs pas forcément d’accord sur son interprétation.

 

Ce qui est certain, c’est que les loueurs de meublés de tourisme non classés voient leur situation dégradée. Le régime micro-BIC ne leur est plus applicable au-delà de 15 000 € de chiffre d’affaires et leur abattement est réduit à 30 %.

 

Ces mesures s’appliquent rétroactivement aux revenus 2023.

 

Pour les loueurs de meublés de tourisme classés, le nouveau texte institue un abattement supplémentaire de 21 % à deux conditions :

  • le contribuable a réalisé moins de 15 000 € de chiffre d’affaires l’année précédente et,
  • le meublé n’est pas situé dans une zone où l’offre locative est insuffisante.

Monsieur Bruno Lemaire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, a reconnu cette erreur.

 

De ce fait, par une publication du 14 février 2024, l’administration a indiqué que les contribuables qui le souhaitent peuvent continuer à appliquer les anciennes dispositions pour la prochaine déclaration des revenus 2023.

 

Par ailleurs, au moment où nous écrivons ces lignes, une proposition de loi, déposée il y a déjà plusieurs mois, est en cours de discussion au Parlement. Elle pourrait de nouveau modifier le régime applicable.
 

1.4. Alourdissement des taxes sur les véhicules de tourisme

La loi de finances prévoit une augmentation progressive de plusieurs taxes sur les véhicules de tourisme et notamment :

  • la taxe à l’immatriculation avec une double majoration : malus CO2 et malus au poids,
  • les taxes sur l’affectation des véhicules à des fins économiques : la taxe annuelle CO2 et la taxe sur les émissions de polluants atmosphériques vont augmenter sensiblement et graduellement entre 2024 et 2027. Heureusement, pour l’instant, ces deux taxes ne concernent que les sociétés. Selon l’administration, elles s’appliquent également aux entrepreneurs individuels qui ont opté pour l’impôt sur les sociétés.

 

1.5. Autres mesures qui concernent les entreprises

  • L’année dernière, la suppression, en deux ans, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) avait été décidée. La situation budgétaire a contraint le Gouvernement à ralentir le rythme de cette suppression. Au lieu de disparaître à la fin de l’année 2024, cette imposition va se réduire progressivement entre 2024 et 2026. Elle cessera de s’appliquer à compter de l’année 2027. Néanmoins, la cotisation minimum de 63 € est supprimée comme prévu.
     
  • La loi de finances de l’année dernière prévoyait de redéfinir le champ d’application du taux réduit de TVA (5,5 %) pour les travaux de rénovation énergétique des logements. Cela devait intervenir dans le courant de l’année 2023. Finalement, cette réforme est reportée au plus tard au 1er octobre 2024.
     
  • La mise en place de facturation électronique, qui devait intervenir en 2024 est reportée d’environ deux ans. La première étape de son entrée en vigueur interviendra au 1er septembre 2026.
     
  • L’exonération de TVA applicable aux petites entreprises (appelée « franchise en base de TVA ») sera réformée à compter du 1er janvier 2025.

 

2. Les principales mesures qui concernent les particuliers

2.1. Revalorisation du barème de l’impôt sur les revenus 2023

Le barème de l’impôt applicable aux revenus de l’année 2023 est revalorisé de 4,8 %. Cela conduit également à une revalorisation de plusieurs plafonds et notamment :

  • du montant maximum de l’économie d’impôt pour chaque demi-part additionnelle des enfants à charge : 1 759 € (880 € pour un quart de part) ;
  • du montant maximum de la pension alimentaire déductible pour les enfants majeurs : 6 674 € par enfant.

 

2.2. Modification du calcul du taux du prélèvement à la source (PAS) pour les couples

Jusqu’alors, le taux du prélèvement à la source était, par principe, déterminé au niveau du foyer fiscal. Chaque conjoint appliquait ce taux sur l’ensemble de ses revenus, y compris les revenus provenant de son activité professionnelle.

 

Néanmoins, par option, les deux conjoints pouvaient demander l’application d’un taux de PAS individualisé sur leurs revenus professionnels. Dans ce cas, le conjoint ayant les revenus professionnels les plus élevés supportait un taux de PAS majoré. À l’inverse, l’autre conjoint avait un taux de PAS minoré.

 

À compter du 1er septembre 2025, la règle va s’inverser. Le taux de PAS individualisé s’appliquera désormais de plein droit aux revenus professionnels des deux conjoints. S’ils ne le souhaitent pas, ils pourront opter pour l’application uniforme du taux de PAS général du foyer fiscal.
 

2.3. Autres mesures concernant les particuliers

Parmi les autres mesures, on trouve notamment :

  • Une augmentation du plafond des dépenses éligibles au crédit d’impôt pour installation d’un système de charge pour véhicules électriques. Celui-ci passe de 300 € à 500 € pour les dépenses payées à compter du 1er janvier 2024 ;
     
  • Le crédit d’impôt autonomie permet de bénéficier d’un avantage fiscal en cas de dépenses d’installation ou de remplacement de certains équipements en faveur des personnes âgées ou handicapées. Ce dispositif est prorogé jusqu’au 31 décembre 2025.
    En revanche, son champ d’application est réduit et recentré sur les seuls équipements permettant l’adaptation des logements à la perte d’autonomie ou au handicap.