Avec l’adoption de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, la définition juridique de l’entreprise individuelle évolue. Mais cela va plus loin, dès lors que dans cette nouvelle formule, l’entrepreneur va pouvoir choisir son régime fiscal. Soit il reste à l’impôt sur le revenu qui est son mode d’imposition naturel, soit il opte et se trouve soumis au régime fiscal de l’impôt sur les sociétés. Même si cette nouvelle faculté ne pourra être mise en œuvre qu’à compter du mois de mai prochain, il est utile d’en examiner les contours dès maintenant.
L’entreprise individuelle pourra se placer volontairement sous le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés (IS)
Anticipant l’adoption de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, la loi de finances pour 2022 a introduit une disposition qui va permettre à l’entreprise individuelle « nouvelle formule » de choisir son régime fiscal.
En principe, une entreprise individuelle est imposée sous le régime de l’impôt sur le revenu. Son bénéfice est taxé au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ce régime fiscal a également des conséquences sur la manière dont les cotisations sociales sont calculées. La Sécurité Sociale des Indépendants (SSI) soumet l’intégralité de ce bénéfice aux prélèvements sociaux.
À compter du mois de mai prochain, l’entrepreneur pourra choisir un autre régime fiscal. Il pourra opter pour l’assimilation fiscale de son entreprise individuelle à une société et, par là même, pour l’application de l’impôt sur les sociétés.
Après cette option, la situation de l’entreprise sera pour le moins originale :
- ce sera toujours une entreprise individuelle sur le plan juridique ;
- mais elle sera traitée comme une société sur le plan fiscal (pour l’ensemble des impositions).
Comment sera taxée une entreprise individuelle soumise à l’IS ?
Après option, l’entrepreneur pourra se verser une rémunération. À l’inverse de ce qui se passe dans l’entreprise individuelle classique, elle sera déduite du résultat fiscal, comme dans une société.
L’entrepreneur devra déclarer cette rémunération dans la déclaration d’ensemble des revenus de son foyer fiscal.
Son imposition sera similaire à celle d’un salaire après application de la déduction forfaitaire pour frais (10 %) ou de la déduction des frais réels (pour être précis, cette somme sera imposée sur une ligne particulière – « Revenus des associés et gérants article 62 du CGI »).
Le bénéfice de l’entreprise sera taxé au taux de l’IS :
- 15 % jusqu’à 38 120 € de bénéfice ;
- 25 % sur la partie du bénéfice qui dépasse ce montant.
Les sommes que l’entrepreneur va prélever sur le bénéfice après impôt seront taxées comme des dividendes :
- soit au taux fixe du prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ;
- soit sur option de l’entrepreneur, au barème progressif de l’impôt.
L’avantage est là : le bénéfice réinvesti dans l’entreprise ne supporte que l’impôt sur les sociétés.
Et pour les cotisations sociales, à quoi faut-il s’attendre ?
Même après l’option, l’entrepreneur reste un travailleur non salarié. Il continue à cotiser auprès de la Sécurité Sociale des Indépendants (SSI).
La nature des cotisations et leur taux restent donc les mêmes, mais le calcul va être réalisé de manière différente.
Les cotisations sont calculées sur le total formé par :
- la rémunération que l’entrepreneur s’est versée,
- et les sommes qu’il a prélevées sur le bénéfice et qui sont imposées comme des dividendes. Les cotisations sociales des indépendants ne s’appliquent sur ces dividendes que pour la partie qui dépasse 10 % du bénéfice net imposable.
Pour la partie des dividendes prélevés qui ne dépasse pas ce seuil, pas de cotisations.
L’entrepreneur devra néanmoins payer les contributions sociales applicables aux revenus du patrimoine, soit actuellement 17,2 %.
L’avantage social se situe donc au même niveau que l’avantage fiscal : l’absence de prélèvements sociaux sur les bénéfices réinvestis dans l’entreprise.
Incertitudes et inconvénients… ou pourquoi il est conseillé de ne pas se précipiter en mai prochain.
- Ce nouveau dispositif fiscal est donc favorable aux entrepreneurs qui souhaitent, et qui peuvent, réinvestir une partie de leur bénéfice dans l’entreprise. Si ce n’est pas le cas, le système perd tout de suite l’essentiel de son intérêt.
- En cas d’arrêt d’activité de l’entreprise individuelle, l’ensemble des sommes qui ont été réinvesties, et qui ont supporté une imposition moindre, deviendront immédiatement imposables. Il y a fort à parier qu’elles devront également supporter les cotisations sociales.
- L’option pour l’assimilation de l’entreprise individuelle à une société sera très certainement considérée par l’administration fiscale comme un apport en société. À cette occasion, il faudra gérer l’imposition des bénéfices et celle des éventuelles plus-values sur l’actif immobilisé (fonds commercial, matériels…).
- La transmission et la restructuration de l’entreprise individuelle soumise à l’impôt sur les sociétés risquent aussi de poser parfois quelques difficultés en matière fiscale. Dès lors qu’il s’agit d’une entreprise individuelle sur le plan juridique, mais d’une société sur le plan fiscal, il peut être délicat de gérer convenablement les conséquences fiscales de certaines opérations.
Il est déjà certain que cette nouvelle formule fiscale ne conviendra pas à tout le monde. Comme souvent, il faudra attendre les commentaires de l’administration fiscale pour lever certaines incertitudes.
Il ne faut donc pas se précipiter sur ce nouveau régime.
Et pour ceux qui estiment que l’impôt sur les sociétés est la bonne formule pour leur entreprise, et qui ne veulent pas attendre les éclaircissements nécessaires : nous conseillons le recours à la société (la vraie !), système éprouvé et maîtrisé.