La comptabilité n’aurait d’utilité que fiscale ! Si vous acquiescez à l’évocation de cette affirmation, accordez-nous trois minutes. Si nous ne vous avons pas convaincu, vous n’aurez perdu que trois minutes. En revanche, si nous parvenons à vous convaincre, vous aurez gagné beaucoup plus que trois minutes !
Vous n’êtes pas seul(e) à penser que l’intérêt de la comptabilité se limite à la fiscalité. De cette perception, l’État et nous, comptables et experts-comptables, en sommes les principaux responsables. L’État a fondé son dispositif de taxation des entreprises sur la comptabilité, créant pour cela une connexité étroite entre la fiscalité et la comptabilité, parfois jusque à la confusion.
Poussés de plus par la complexification de la fiscalité, nous avons sacralisé cette dualité. Nous n’avons pas perçu le danger d’une telle dérive et donc su empêcher la subordination de la comptabilité à la fiscalité. Dans l’esprit de nombreux chefs d’entreprise, la première est devenue, à l’instar de la seconde, une charge administrative, amalgamée à l’impôt lui-même.
À défaut de pouvoir supprimer l’impôt, d’aucuns sont alors tentés de supprimer les obligations comptables. C’est d’ailleurs l’une des motivations expresses du gouvernement dans le doublement des seuils de la micro-entreprise (anciennement l’auto-entrepreneur). Trouver d’autres bases de taxation simplifierait peut-être la collecte de l’impôt et en améliorerait son acceptation. Mais cette évolution n’apporterait rien d’autre, car l’entreprise aura toujours besoin de la comptabilité, même détachée de la fiscalité. Supprimer la comptabilité pour des raisons économiques exposerait ladite entreprise à trop de risques et la priverait également d’opportunités.
Au commencement était … la comptabilité. Elle est née au milieu du quatrième millénaire avant notre ère, avant même l’écriture, pour répondre à de toute autre problématique que la fiscalité, à savoir inventorier les biens et enregistrer les échanges. Elle n’a jamais depuis perdu cette fonction première. C’est l’essence même de cette discipline.
La comptabilité retrace les échanges avec les clients et les fournisseurs, codifie l’ensemble des flux financiers. Elle permet de faire à tout instant le point sur ce que l’on doit à l’entreprise (ses créances) et ce que doit l’entreprise (ses dettes). Et si la comptabilité n’est pas tenue au jour le jour, les arrêtés réguliers (au minimum une fois par an) évitent bien des oublis, d’autant plus graves s’ils concernent les créances clients non encore encaissées.
La comptabilité permet de dresser l’inventaire du patrimoine par l’établissement du bilan et d’apprécier la rentabilité par l’établissement du compte de résultat. Sans ces outils, les banques n’accorderaient aucun prêt.
Sans le compte de résultat, le dirigeant serait dans l’incapacité d’évaluer la performance de son entreprise, en valeur absolue, mais aussi par comparaison avec les années antérieures, et encore mieux par rapport à un budget prévisionnel, voire avec ses concurrents et son environnement économique. Il ne pourrait pas non plus s’assurer de la maîtrise des coûts, ni de la pertinence de la fixation de ses prix de vente. Grâce à la comptabilité, le dirigeant peut évaluer finement ses coûts de revient, vérifier qu’ils permettent de pratiquer des prix en adéquation avec son marché.
La comptabilité ne ment pas. Elle constitue un moyen de preuve, et pas uniquement aux administrations fiscale et sociale. Elle justifie certaines opérations vis-à-vis des tiers, mais aussi entre associés ou au sein d’un ménage. Par exemple, les comptes courants (ou comptes de l’exploitant) reflètent l’état des apports et des prélèvements de chacun. La répartition des résultats entre les associés est tracée, ce qui prévient bien des conflits.
Se priver de comptabilité, c’est renoncer à dégager le bon niveau de revenu, c’est prendre le risque de perdre de l’argent, c’est vivre inutilement dans l’insécurité. La comptabilité n’est pas seulement utile, elle est vitale.