La France compte près de trois millions de travailleurs indépendants : artisans, commerçants, professionnels libéraux, exploitants agricoles, travailleurs des plateformes…
Avant le 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel avait le choix entre plusieurs structures parmi lesquelles figuraient :
- l’Entreprise Individuelle (EI) qui permet d’exercer une activité sans passer par la création d’une personne morale. L'entrepreneur était alors indéfiniment responsable des dettes professionnelles sur l'ensemble de son patrimoine personnel, à l'exception de sa résidence principale. Il pouvait protéger ses autres biens immobiliers des poursuites de ses créanciers professionnels en effectuant une déclaration d'insaisissabilité devant notaire.
- l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) dans laquelle, contrairement à l'entreprise individuelle classique, le patrimoine personnel du chef d'entreprise n'était pas engagé. L’entrepreneur créait un patrimoine professionnel, appelé patrimoine d'affectation, dont les seuls biens affectés pouvaient être saisis en cas de difficulté.
La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (Plan Indépendants) est venue modifier l’ensemble de ces types de structures par l’extinction progressive de l’EIRL et la création d’un nouveau statut commun à l’ensemble des travailleurs indépendants, celui d’entrepreneur individuel. Cette loi est entrée en vigueur le 15 mai 2022.
Que vous soyez déjà entrepreneur individuel ou que vous souhaitiez le devenir, cette loi vous impacte !
I) Vous exerciez sous le statut d’Entreprise Individuelle (EI) avant le 15 mai 2022
Vous conserviez votre statut d’EI et vous n’aviez pas de démarche particulière à accomplir : la protection liée au nouveau statut de l’entrepreneur était automatique.
Avant le 15 mai 2022, vos patrimoines professionnel et personnel n’étaient pas séparés, seuls étaient protégés des créanciers professionnels :
- de plein droit, votre résidence principale,
- et sous réserve de l’établissement d’une déclaration d’insaisissabilité, vos autres biens immobiliers.
Depuis le 15 mai 2022, vos patrimoines professionnel et personnel sont séparés et les créanciers professionnels dont la créance est née après cette date ne peuvent la recouvrer que sur le patrimoine professionnel.
L’option à l’impôt sur les sociétés est alors possible.
II) Vous exerciez sous le statut d’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL) avant le 15 février 2022
Si vous releviez du régime de l’EIRL au 15 février 2022, vous continuiez d’être soumis à ce même régime. L’affectation ou le retrait d’éléments à un patrimoine affecté déjà constitué demeuraient possibles selon les mêmes modalités qu’auparavant.
À savoir : vous ne pouvez plus transmettre votre EIRL depuis le 15 août 2022. Nous vous avons recommandé de contacter votre conseil pour déterminer la meilleure stratégie à adopter.
III) Vous souhaitez devenir entrepreneur individuel
Depuis le 15 février 2022, le choix de l’EIRL n’est plus possible. Avant le 15 mai 2022 il était toujours possible de constituer une entreprise individuelle sous l’ancien régime (avec un seul patrimoine).
Depuis le 15 mai 2022, si vous souhaitez exercer en nom propre (sans créer de société), seul le statut unique d’entrepreneur individuel vous sera applicable.
Votre patrimoine est dédoublé automatiquement sans aucune formalité, c’est la séparation des patrimoines :
- Le premier patrimoine, dit professionnel, est constitué des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes.
- Le second patrimoine, dit personnel, est composé de tous les éléments actifs et passifs non compris dans le patrimoine professionnel.
Votre patrimoine personnel n'est pas saisissable par vos créanciers professionnels mais uniquement par vos créanciers personnels.
Il est à noter que vous ne pouvez pas cautionner une dette se rattachant à un patrimoine avec l’actif d’un autre patrimoine.
Exceptions prévues à la séparation des patrimoines personnel et professionnel
D’une part, si votre patrimoine personnel est insuffisant, les créanciers personnels peuvent exercer leur droit de gage sur votre patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
D’autre part, vous pouvez renoncer au bénéfice de cette séparation des patrimoines en faveur d’un créancier professionnel pour un engagement spécifique, en particulier pour obtenir un crédit bancaire.
Quant aux organismes de recouvrement de cotisations et contributions sociales, ils ne peuvent poursuivre en principe le recouvrement de leurs créances que sur le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, puisque ces dettes sont nées à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, ils peuvent rechercher, sur votre patrimoine professionnel et personnel, le recouvrement des sommes suivantes :
- la CSG et la CRDS dues par l’intéressé,
- l’impôt sur le revenu dû par les auto-entrepreneurs (micro-entrepreneurs relevant du régime micro-social).
De plus, en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées par l’entrepreneur individuel de ses obligations fiscales ou dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, le droit de gage de ces organismes porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur.
Points d’attention
- Des contentieux relatifs à la ligne de démarcation à tracer entre patrimoines personnel et professionnel peuvent se présenter. Dans ce cas, c'est à l’entrepreneur individuel de prouver l’affectation d’un bien à un patrimoine. La notion de « biens utiles » a commencé à être précisée par décret, mais cela reste insuffisant.
- Les créanciers, disposant désormais d'un gage plus limité, peuvent exiger de nouvelles garanties et rendre par la même occasion plus difficile l’accès au crédit de l’entrepreneur individuel.
- Par ailleurs, rien n’est prévu pour les « biens mixtes », c’est-à-dire inclus pour partie dans le patrimoine professionnel et pour partie dans le patrimoine personnel (voiture, ordinateur…). Il apparait qu’ils sont compris au patrimoine professionnel dès qu’ils sont utiles à l’activité de l’entrepreneur individuel.
- En outre, en cas de pluriactivité, un seul patrimoine professionnel est créé et ce patrimoine ne peut être scindé. Toutes les activités seront donc confondues au sein d’un patrimoine professionnel unique risquant de poser des difficultés entre les créanciers d’activités distinctes.
- En matière successorale, ces dispositions (réunion des deux patrimoines) sont identiques à celles applicables à l'entreprise individuelle ancien statut. En revanche, il existait des dispositions spécifiques permettant de transmettre une EIRL à un héritier. Ces dispositions ont été supprimées par le plan Indépendants.
Désormais, la dualité patrimoniale prend fin au décès de l’entrepreneur individuel et l’ensemble des éléments de ce double patrimoine se fond dans la masse successorale. L’assiette du gage des créanciers est donc étendue au patrimoine personnel.
Dans tous les cas de figure, l’entrepreneur individuel, nouveau statut, doit anticiper la situation car ses créanciers personnels verront, lors de son décès, leur assiette de gage étendue au patrimoine professionnel. On ne peut que lui conseiller de consulter en amont un professionnel du droit. - Enfin, la pertinence de l’option à l’impôt sur les sociétés ouverte à l’entrepreneur individuel doit être étudiée avec vos conseils.
Attractif par certains aspects, ce nouveau statut comporte malgré tout des points de vigilance, en dépit des divers décrets déjà parus !
La forme sociétaire (EURL ou SASU) a certainement encore toute sa place dans le panel des possibilités offertes à l’entrepreneur individuel puisqu’elle prévoit, elle aussi, la séparation des patrimoines tout en offrant d’autres opportunités et avantages…
Nos experts FIDUCIAL, avocats et experts-comptables, sont présents à vos côtés pour vous accompagner et répondre à toutes vos questions.